Deux mois après la publication de l’avis de l’Autorité de la concurrence (ADLC) préconisant de séparer l’appareillage initial du suivi et de supprimer le numerus clausus, le Syndicat national des audioprothésistes revient à la charge et dénonce « de multiples contradictions et omissions » ayant pour but de « justifier des mesures en réalité néfastes ».
« Plutôt que de constater la grande efficience du secteur de l’audioprothèse et ses résultats exceptionnels au vu du faible remboursement et que la principale mesure à préconiser, une augmentation du remboursement, relève des autorités de santé, l’ADLC a préféré, pour justifier l’existence de son enquête sectorielle, un ‘découplage’ qui n’existe nulle part en Europe et conduirait à une augmentation des prix et à une diminution de la qualité », accuse l’Unsaf. A l’occasion d’une conférence de presse ce 18 janvier, son président Luis Godinho (en photo) a rappelé qu’en santé, le dogme de la concurrence est largement contesté, notamment par Etienne Caniard (ex-président de la Mutualité française), Didier Tabuteau (conseiller d’Etat et économiste de la santé) et même par l’Autorité de la concurrence elle-même dans son étude « Droit de la concurrence et santé » parue dans son rapport annuel 2008.
« L’ADLC veut favoriser les chaînes d’optique »
Le syndicat souligne aussi que, dans son bilan d’étape publié en juillet 2016, l’ADLC avait constaté qu’il « n’y avait pas d’anomalies dans le fonctionnement du marché, que la concurrence par le prix était très efficiente notamment en haut de gamme, que la profession était ancrée dans le secteur de la santé et non dans le secteur marchand et que le principal problème réside dans la solvabilisation, avec un faible remboursement basé sur un tarif non revalorisé depuis 1986 ». Alors que ce document intermédiaire s’interrogeait sur quatre moyens d’améliorer l’accès à l’audioprothèse -le découplage, une régulation tarifaire en contrepartie d’un meilleur remboursement du régime obligatoire, le numerus clausus et les réseaux de soins-, l’avis définitif n’en a traité que deux. La question des réseaux de soins, notamment, n’a été évoquée que rapidement, sans analyse de leurs effets, « alors qu’ils ont initié une manipulation de l’opinion publique sur les ‘rentes’ et ‘marges’ des audioprothésistes », pointe du doigt Luis Godinho, président du syndicat, en rappelant que ces dispositifs dégradent la qualité et ne sont pas appréciés par les Français. Par ailleurs, suite à la recommandation de relever (voire de supprimer) le numerus clausus, l’Unsaf rétorque qu’il n’existe aucune difficulté d’accès aux audios en France, les effectifs augmentant au même rythme que le marché depuis 2000. « Croire qu’une offre surabondante aura un effet modérateur sur les prix relève du dogmatisme », déclare Luis Godinho en citant le contre-exemple de l’optique. L’Unsaf souligne aussi que le découplage souhaité par l’Autorité ne pourra avoir que nuire à l’observance, en insistant sur les vertus redistributives du système forfaitaire, les patients aux revenus modestes renouvelant leur équipement plus tard que les autres. Pour le syndicat, l’ADLC veut, par ses deux recommandations, favoriser les chaînes d’optique qui investissent le secteur, animées par « des velléités purement commerciales ».
L’ADLC « à rebours de la volonté des Français »
En critiquant la « mutualisation » des coûts et en poussant à « une individualisation des prix en fonction de la demande de suivi », l’Autorité va, selon l’Unsaf, à l’encontre des fondements de notre système de santé auquel les Français sont très attachés. « Alors que la santé et la prise en charge de l’audioprothèse font partie des débats de la présidentielle, faire croire que la seule action du ‘marché’ peut réduire le reste à charge est inacceptable et biaise le débat public », déclare l’organisation professionnelle, qui s’apprête à porter ses arguments auprès des autres professions de santé, des parlementaires et des candidats. Le syndicat demande par ailleurs la publication par l’ADLC de ses conclusions sur un éventuel encadrement des tarifs contre un remboursement amélioré et les réseaux de soins, des études indépendantes du secteur (par l’Igas et l’ONDPS) ainsi qu’une évolution concrète des textes « afin d’obtenir que la santé et les produits de santé ne puissent plus être traités comme des biens de consommation ».