L’association a publié son analyse du décret sur la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, adopté en août dernier, assorti d’un avis mesuré.
Ce texte normatif qui prévoit l’abaissement du niveau sonore maximal de 105 dB (A) à 102 dB (A) sur 15 minutes, a suscité la vive réaction de certains exploitants de salles de concert et lieux festifs ainsi que de directeurs d’événements culturels et d’artistes. Jean-Louis Horvilleur, trésorier adjoint de la Semaine du son, a procédé à une analyse minutieuse du texte, qui a donné lieu à une prise de position de l’association. Le décret est considéré comme “une avancée par rapport au précédent texte de 1998, mais il reste bien du chemin à parcourir”. Nous reproduisons ci-dessous in extenso la tribune mise en ligne sur le site des Echos.
LA POSITION DE L’ASSOCIATION LA SEMAINE DU SON
SUR LE DÉCRET 2017-1244 DU 7 AOÛT 2017
RELATIF À LA PRÉVENTION DES RISQUES LIÉS AUX BRUITS ET AUX SONS AMPLIFIÉS
TRIBUNE DE JEAN-LOUIS HORVILLEUR
Jean-Louis Horvilleur, administrateur et membre du bureau de l’association
LA SEMAINE DU SON en charge des questions de santé auditive, Audioprothésiste
D.E. et journaliste donne sa position sur le décret 2017-1244 du 7 août 2017 dans
une tribune publiée le 11 octobre 2017 sur le site Les Échos .
Sons amplifiés à des niveaux sonores élevés : un décret en demi-teinte.
Un nouveau décret modernise la réglementation sur les sons amplifiés, mais
permet-il réellement d’assister aux événements avec les yeux fermés et les
oreilles grandes ouvertes ?
Relatif à “la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés”, le
décret du 7 août 2017 marque une avancée par rapport au précédent texte
de 1998, mais il reste bien du chemin à parcourir.
Le niveau sonore maximum est abaissé de 105 dB (A) à 102 dB (A) sur 15 min,
soit deux fois moins d’énergie sonore autorisée sur une même durée. Le Haut
Conseil de la Santé Publique (HCSP) recommandait 100 dB (A) sur le même
intervalle. Il préconise, ainsi que l’OMS, de ne pas dépasser un niveau
équivalent de 85 dB (A) pour 8 h d’événement.
En matière de “dose de son”, on doit diviser le temps d’exposition par deux
chaque fois que le niveau augmente de 3 dB (A). À 102 dB (A) il ne faudrait
donc pas dépasser 9 min 1/2… C’est le niveau d’une tronçonneuse.
L’introduction d’une limitation additionnelle sur 15 min à 118 dB (C), une
pondération plus adaptée à des niveaux élevés que la (A), permet aussi de
mieux prendre en compte les basses fréquences, évaluées par le HCSP à 91 %
de l’énergie sonore globale dans les musiques actuelles.
Autre point positif, ce texte se préoccupe désormais de la protection des
jeunes enfants (jusqu’à 6 ans) dans les événements qui leur sont dédiés, en
fixant des niveaux maxima de 94 dB (A), certes le niveau d’un klaxon, et 104
dB (C) sur 15 min.
Un arrêté devra préciser comment les mesures et contrôles seront réalisés,
mais d’ores et déjà, à l’exception des discothèques, les lieux accueillant moins
de 300 personnes échapperont aux obligations d’enregistrer et d’afficher en
continu les niveaux sonores auxquels le public est exposé ! Et même pour les
lieux plus grands, la conservation des données ne sera obligatoire que durant
6 mois et… ne sera pas centralisée !
Autre nouveauté, le texte inclut désormais tous les lieux accueillant du public,
clos ou en plein air, diffusant des sons amplifiés, et non plus seulement de la
musique comme précédemment, avec un niveau équivalent sur 8 h supérieur
à 80 dB (A), comme en droit du travail, même pour les événements
occasionnels.
Sont ainsi concernés, en plus des discothèques et salles de concert, les
festivals, les locaux d’enseignement de la création artistique, les cinémas…
Le texte vise également les exigences de santé et de tranquillité des riverains,
ce dernier point restant à éclaircir par l’arrêté.
Au-delà du contrôle et des sanctions, incluant la confiscation de la “sono” en
cas de récidive, il est enfin aussi question de prévention. Les festivals ainsi que
les lieux diffusant des sons amplifiés, mais seulement à titre habituel, à
l’exception notable cette fois-ci des cinémas et des établissements
d’enseignement de la création artistique (un non-sens !), devront ainsi prendre
plusieurs dispositions :
– informer le public sur les risques auditifs
– mettre à disposition gratuitement des protections auditives individuelles
adaptées au type de public accueilli, il faudra notamment prévoir des
bouchons ou des casques de petite taille pour les enfants
– créer des zones de repos auditif ou à défaut ménager des périodes de
pause, ce qui est une réelle avancée, ce moyen de protection étant
actuellement sous-utilisé.
Étant donné la complexité de tout ceci, pour que le public s’y retrouve, il serait
souhaitable de prévoir une labellisation avec des pictogrammes clairs en
fonction des obligations des lieux.
Accompagner les professionnels :
Certains professionnels du son ressentent des “difficultés majeures” ou
évoquent une soi-disant “censure artistique”. En fait, de fort mauvaises
pratiques ont duré bien des années. Et qualité sonore rime avec sécurité
auditive : un bon réglage avec une meilleure spatialisation et une dynamique
bien gérée : cela ne sonne-t-il déjà pas mieux ainsi ?
Il ne faut toutefois pas éluder certains coûts. En lieu fermé surtout, la précision
de la mesure est une affaire de spécialiste. Dans les cas où des achats de
matériel, des agencements, des modifications, etc. sont à envisager, des
incitations basées sur des déductions fiscales devraient faciliter la bonne
application du texte. La santé ne se brade pas.
Ce texte, un peu trop complexe, est un progrès partiel, mais il demeure audessus
des recommandations du HCSP. Sa mise en pratique sera
heureusement affinée dans le prochain arrêté, au plus tard au 1er octobre
2018. Le risque zéro ne pourra pas être atteint. Les dégâts sur le plan auditif
étant actuellement irréparables, un plan d’éducation à la santé auditive, multi
générationnel reste une urgence de société.