L’institution a publié le 9 octobre son avis détaillé sur le projet de prise en charge des audioprothèses dans le cadre du « 100 % Santé ». Il revient notamment sur la primo-prescription et le remboursement des consommables.
La Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS) – branche dédiée de la HAS – a recueilli les observations écrites des fabricants et distributeurs, les a entendus en audition, ainsi que les institutions professionnelles qui en ont fait la demande, et a sollicité le point de vue de 3 associations de patients. Elle a en outre missionné un groupe de travail spécifique, composé d’experts*. A l’issue de cette phase contradictoire, la Commission adopté un avis, qui recommande certaines modifications dans le projet de réforme RAC 0 en audio. Ce document de 41 pages, claires et denses, liste les amendements à l’avis de projet publié le 21 juin au Journal officiel, beaucoup dans un objectif de clarification, mais aussi plusieurs portant des modifications de fond notamment sur la primo-prescription des appareils par les médecins ORL.
Des rectifications de forme
Parmi les corrections formelles, la CNEDIMTS souhaite préciser la terminologie (« personne » plutôt que « patient » ; ajout du mot « audioprothèse » qui ne figurait pas dans l’avis de projet) et certaines définitions (système d’amplification, anti-larsen et fonctionnalité de soulagement des acouphènes notamment). Elle recommande également d’expliciter certains points : éléments couverts par la garantie, délai dans lequel un fabricant doit pouvoir fournir un appareil (7 jours), articulation entre prise en charge audioprothétique et orthophonique pour les enfants…
Des indications plus détaillées
Les indications nécessaires à la prise en charge des aides auditives par l’Assurance maladie sont assez largement amendées. La Commission avance des seuils pour objectiver la perte auditive et son retentissement sur l’intelligibilité :
« Dans le cas d’une surdité bilatérale, la prise en charge est stéréophonique. Elle est assurée pour chaque oreille remplissant au moins l’une de ces conditions :
- surdité avec une perte auditive moyenne supérieure à 30 dB (calculée selon la méthode du Bureau international d’audiophonologie) ;
- seuil d’intelligibilité dans le silence supérieur à 30 dB (correspondant au niveau d’émission de la parole le plus bas pour obtenir dans le silence 50 % de reconnaissance des signaux de parole) ;
- dégradation significative de l’intelligibilité en présence de bruit, définie par un écart du rapport signal de parole/ niveau de bruit (RSB en dB) de plus de 3 dB par rapport à la norme ;
- perte auditive dans les fréquences aiguës supérieures à 30 dB à partir de 2000 Hz et avec un seuil d’intelligibilité supérieur à 30 dB dans le silence (et/ou significativement dégradé dans le bruit).
Dans les cas spécifiques et exceptionnels de neuropathie auditive et de troubles centraux de l’audition, le diagnostic sera posé : - pour les neuropathies auditives, sur les résultats conjoints des oto-émissions acoustiques, des potentiels évoqués auditifs et des potentiels évoqués multiples stationnaires
- pour les troubles centraux, sur les résultats conjoints du test d’écoute dichotique, des potentiels évoqués auditifs précoces et tardifs et de l’audiométrie vocale dans le bruit. »
Au chapitre des indications, la Commission se prononce aussi en faveur d’une individualisation, au sein de la nomenclature, des situations d’appareillage complexes soit en raison de la nature de la perte, soit de l’état de santé du patient (polyhandicap par exemple). Ceci afin de répondre aux besoins particuliers qui ne seraient pas couverts par les appareils de classe I, sans pour autant induire un reste à charge pour ces personnes.
Deux évolutions de fond
L’avis de la HAS comporte deux changements importants par rapport au projet initial. Tout d’abord, il propose de ne pas réserver la primo-prescription aux ORLs : « La CNEDIMTS approuve les objectifs de moyens à mettre en œuvre par les prescripteurs (bilan clinique et audiométrique minimal prédéfini), mais ne recommande pas de limiter a priori cette primo-prescription à une spécialité médicale pour les adultes et enfants de plus de 6 ans. » Elle argumente en ce sens à partir des chiffres de la démographie médicale dans cette spécialité et de leurs projections (moins de 2 500 ORLs en 2029 selon les estimations de la Drees). Elle suggère de renforcer, en parallèle, la liste des tests devant être effectués par le prescripteur. Pour les enfants de moins de 6 ans, en revanche, elle considère que la primo-prescription et le renouvellement doivent être réservés aux ORLs.
Ensuite, la CNEDIMTS estime que la nomenclature doit prévoir la prise en charge des « consommables (dômes, piles, accus, tube souple de liaison, embout prothèse, filtre protecteur contre le cérumen) » et des « accessoires nécessaires (chargeur des accus…) ou utiles (télécommande…) au fonctionnement de l’aide auditive ». Cette proposition est étayée par le fait que ces objets ont un « impact déterminant sur l’observance ».
Prestation effectuée par l’audioprothésiste : quelques ajouts
La Commission de la HAS veut que les conditions de réalisation de l’audiométrie soient détaillées – « en conduction aérienne, oreille par oreille » – et recommande d’ajouter la localisation spatiale dans le bilan effectué par l’audioprothésiste. Elle soutient la fixation des essais à 30 jours et approuve le principe de la labellisation. Elle souligne en outre l’obligation d’adresser un compte-rendu au prescripteur dans les 7 jours suivant l’appareillage. A plusieurs reprises, l’avis insiste sur l’importance de l’information délivrée au patient et la nécessité de recueillir ses attentes. Il avance l’idée de mesurer ses motivations par l’utilisation d’un questionnaire de type COSI (Client Orient Scale of Improvement), quoiqu’il ne soit actuellement pas validé en français. Il demande, enfin, que soient précisées les modalités de prise en charge du suivi au-delà de la 4e année, si l’appareil n’est pas renouvelé.
* Le groupe d’experts « Aides auditives » est composé de Bernard Fraysse, ORL à Toulouse, Natalie Loundon, ORL pédiatrique à Paris, Kevin Pujo, ORL à Lyon et Valence, Mathieu Marx, ORL à Toulouse, Xavier Perrot, neurologue à Lyon, Frédéric Venail, ORL à Montpellier et Hung Thai-Van, ORL à Lyon.