Le sondage Ifop-JNA réalisé pour la 4e Semaine de la santé auditive au travail (SSAT, actuellement en cours) souligne de nouveau que tous les milieux professionnels sont touchés.
Dans le cadre de la matinée de travail organisée par l’association JNA au Conseil économique, social et environnemental à Paris, vendredi 11 octobre, Romain Bendavid, directeur du pôle Corporate et climat social de l’Ifop est venu présenter les résultats du sondage réalisé dans la perspective de cette 4e campagne nationale. Meilleure prise de conscience des répondants qu’en 2017 et 2018 ou dégradation de la situation ? Les chiffres 2019 ne donnent aucune raison de se réjouir.
59 % des actifs français interrogés* déclarent être gênés par le bruit sur leur lieu de travail (19 % souvent, 40 % de temps en temps), un chiffre en augmentation de 7 points par rapport à 2017. Le plus fort taux de « Oui » se trouve dans l’industrie puis dans la construction – respectivement 73 % et 70 % – mais il atteint 60 % dans l’administration. Les catégories socio-professionnelles inférieures paraissent les plus touchées (64 % de « Oui »). « Le niveau de tolérance au bruit est sans doute plus bas que les années précédentes et il n’est pas homogène : l’industrie mais aussi les salariés des grandes entreprises (où l’on trouve des open space, du flex office) sont surreprésentés, a relevé Romain Bendavid. La hiérarchie des nuisances sonores est aussi très variable selon le mode d’exercice professionnel et le niveau dans l’entreprise : les cadres sont plus souvent gênés par les sources humaines, les conversations des autres, tandis que les employés sont plus impactés par les bruits des matériels utilisés. » A noter que, chez les travailleurs indépendants, le bruit provenant de l’extérieur des locaux est cité comme principale source de nuisance sonore au travail.
En extrapolation, la gêne auditive concerne presque 9 millions d’actifs
2/3 des répondants ressentent au quotidien l’impact négatif de ces bruits, en priorité fatigue et irritabilité, stress, gêne auditive et troubles du sommeil. Ils constatent aussi plus largement des impacts dans leur entreprise : perte de productivité (mentionnée par 40 %), incompréhensions avec les managers (36 %), agressivité dans les échanges (32 %), tensions dans l’équipe (31 %)… Mais aussi des arrêts de travail (14 %). Des considérations que partagent largement les plus jeunes des salariés (voir graphique ci-dessous).
Du côté des réponses apportées aux nuisances sonores, la situation semble paradoxale. Moins de 1 actif sur 4 rapporte que des correctifs ont été mis en place dans son entreprise, un chiffre en nette baisse par rapport à l’année dernière, de – 4 à – 7 points selon l’item considéré : mise à disposition de protections individuelles, réaménagement des espaces, création de zones pour s’isoler du bruit, sessions d’information ou afficheur de niveaux sonores. Par ailleurs, même quand l’exposition sonore est pénible, la consultation d’un médecin à ce sujet reste minoritaire : 37 % des personnes concernées disent l’avoir fait (en baisse de 2 points comparé à 2018).
Pour encourager la prise en compte de la santé auditive, la JNA a publié ce manifeste, qui comprend 6 points : mise en cohérence avec les exigences internationales en matière de santé auditive, intensification de la prévention primaire, redéfinition de l’indicateur de sinistralité, nouveau protocole de dépistage, inscription de l’audition dans les biomarqueurs de la santé au travail et mise en place d’une vigilance sanitaire.
Comptes tenus de ces résultats, Sébastien Leroy, le porte parole de la JNA, a insisté sur l’importance “d’accélérer” la prévention et de militer pour l’intégration de l’audition dans les déterminants de santé pris en compte dans la mesure des risques psycho-sociaux. « Aujourd’hui, on se base beaucoup sur le tonal pour mesurer la perte auditive, mais il faudrait systématiser le repérage de la gêne auditive via une vocale dans le bruit, a-t-il précisé. En dehors de la norme des 80 db sur 8 heures, il y a des impacts sur la santé dès 60 dB. Les repérages des troubles auditifs doivent être généralisés dans le parcours santé des Français. » En amont, les solutions passent par une meilleure conception acoustique des locaux, par des mesures organisationnelles et humaines. « Ce qui manque, c’est la prise en compte des besoins physiologiques de l’oreille », a conclu Sébastien Leroy.
Vous pourrez lire dans le prochain numéro de L’Ouïe Magazine un compte-rendu de la table ronde qui s’est tenue à la suite de la présentation de ces résultats.
*Enquête réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 18 septembre 2019. Échantillon de 1013 personnes, représentatif de la population française active occupée âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas après stratification par région et catégorie d’agglomération).