L’Ouïe Magazine vous fait partager des instantanés de confinement venus de diverses régions de France. Organisation pratique de la fermeture, permanence téléphonique, tri des urgences et continuité du lien avec les patients… Chaque audioprothésiste invente ses solutions, tout en gardant un œil sur l’avenir. Aujourd’hui, nous allons prendre des nouvelles de Marie-Sophie Janssen, qui dirige le centre Entendre de Marcq-en-Barœul.
« A l’approche du confinement, nous avons été très bien accompagnés sur la conduite à tenir, par les recommandations de l’Unsaf, et au sein du réseau Entendre. J’ai eu des échanges avec les autres audioprothésistes, chacun se demandant comment il allait faire… Pour ma part j’ai décidé de fermer tout de suite, j’avais conscience de la gravité de la situation. Je savais que ce serait difficile… Ma société a juste 1 an ! » Dans les premiers temps, Marie-Sophie Janssen s’est trouvée face à de l’incrédulité : « j’expliquais aux patients que je voulais repousser leurs rendez-vous mais ils ne comprenaient pas pourquoi. Quand je disais qu’il fallait être ponctuel pour ne pas croiser d’autres patients, ça les faisait sourire… Jusqu’à l’annonce officielle du confinement ».
Comme un exode
Marie-Sophie Janssen a fermé son centre de Marcq-en-Barœul dans le Nord, avec l’impression de « partir en exode » en emportant tous ses papiers importants, un ordinateur professionnel… Elle a d’ailleurs commencé par s’installer un endroit où travailler, mettre à jour toutes ses tâches administratives : « cela m’a occupé et fait du bien, j’ai regardé à fond des choses que j’aurais expédiées ». Les trois premiers jours, ses patients ne se sont pas beaucoup manifestés, bien qu’elle ait transféré les appels sur son téléphone portable. « Puis il y a eu une vague d’appels, les gens s’apercevant soudain qu’ils n’allaient plus avoir de piles, raconte-t-elle. J’en ai déposé dans les boîtes aux lettres, parfois les gens me laissaient une enveloppe accrochée à la porte pour me régler… Mon stock est vite parti ! »
Être là si besoin
Une semaine après le début du confinement l’audioprothésiste a spontanément appelé plusieurs de ses patients pour prendre de leurs nouvelles, supposant qu’ils seraient isolés ou perturbés par cette situation nouvelle et angoissante. « J’ai trouvé certaines personnes paniquées par le manque de contact physique avec leurs familles, désemparées parce que leurs enfants déposaient les courses devant leur maison sans entrer. Une dame m’a dit qu’elle n’entendait plus rien au téléphone alors que c’était son seul lien avec l’extérieur… Je lui ai réexpliqué comment bien positionner l’appareil sur son aide auditive et on a réussi à arranger les choses. Je voulais que mes patients sachent que s’ils avaient besoin de quelque chose, j’étais là : je suis marcquoise, comme eux ! »
Ce sont les demandes, bien spécifiques, de certains patients qui ont amené Marie-Sophie Janssen à organiser des rendez-vous physiques. « Il faut nous protéger et protéger nos patients mais je ne veux pas les laisser tomber, la situation serait trop angoissante pour eux, souligne-t-elle. Je n’ai effectué que très peu de rendez-vous, pour quelques personnes souffrant de surdité sévère et qui n’entendaient plus du tout et un patient qui perdait son appareil alors que je venais de le lui adapter. » N’ayant que du gel hydroalcoolique, des gants et du désinfectant pour les surfaces, l’audio s’est vue offrir quelques masques par son voisin généraliste pour pouvoir recevoir ses patients dans de bonnes conditions de protection. Mais elle se limite vraiment aux cas urgents : « une personne m’a appelé pour faire un bilan, cela fait 3 ans elle devait venir depuis 3 ans… Pour moi, il est vraiment difficile de dire à quelqu’un que je ne vais pas pouvoir le recevoir ».
Du temps pour la famille
Marie-Sophie Janssen n’est pas complètement sereine quant à l’avenir : « je me rassure en me disant que je ne suis pas toute seule, que nous sommes tous dans le même navire. Je suis peut-être pessimiste mais je pense que si les gens sont prudents, ils ne ressortiront pas tout de suite à la fin du confinement. Peut-être qu’ils auront envie de partir en vacances pour oublier tout ça… Il est possible que l’activité ne redémarre vraiment qu’en septembre. D’autant plus que les ORL de ma zone, avec qui j’ai échangé, ont repoussé tous leurs rendez-vous… » N’ayant pas de visibilité, elle se concentre sur le moment présent, tant sur le plan professionnel que personnel. Elle a mis à jour ses outils numériques et se familiarise avec Doctolib et la possibilité de consultations vidéo. Elle publie également très régulièrement des contenus pour le grand public sur sa page Facebook. Et si elle ne pratique pas les réglages à distance, « j’ai plusieurs patients qui sont à l’aise avec leur smartphone, à qui j’ai installé l’appli et qui sont autonomes pour gérer leurs programmes et le réglage du volume ». La période actuelle donne aussi à l’audioprothésiste l’opportunité de passer du temps en famille, chose rare quand on est jeune chef d’entreprise et maman de deux petits garçons. « Je profite pleinement d’eux, je ne loupe pas un instant, je reprends le temps de cuisiner, on invente des jeux, on regarde la télé, on rigole malgré cette période très particulière… »
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