La conférence de lancement de la Semaine de la santé auditive au travail a présenté les résultats de l’enquête annuelle Ifop-JNA avant des échanges nourris sur les problématiques les plus saillantes cette année : présentiel vs virtuel, bureau vs télétravail…
En introduction, le président de la JNA, Jean-Luc Puel a précisé la notion clé d’écologie concernant l’audition en milieu professionnel: « il faut revoir tout l’écosystème du travail : au-delà de la surdité, il y a tout un pan de la santé auditive à prendre en compte dans le bien vivre ». L’impact d’une surexposition sonore, y compris bien en-deçà du seuil légal de 80 dB, est réel mais pas forcément mesurable par un audiogramme. « C’est bien montré aujourd’hui : il y a des pertes auditives réversibles, les seuils audiométriques reviennent à la normale, mais en regardant l’oreille interne, on s’aperçoit qu’il manque des fibres du nerf auditif. Jusqu’à 50 % de fibres en moins, l’audiogramme peut rester dans la norme et pourtant il y a des conséquences sur l’intelligibilité dans le bruit », a détaillé le professeur Puel.
Un serious game sur la santé auditive
L’association estime que la santé auditive doit sortir de l’angle mort des démarches QVT (qualité de vie au travail). Elle va diffuser largement un document en ce sens, à destination des décideurs et managers. Des opérations de sensibilisation sont déjà menées dans de grandes entreprises. Frédérique Decherf, directrice de l’action sociale au sein de la fédération Agirc-Arrco a rapidement présenté les actions menées auprès des cadres (distribution de guides, organisation d’ateliers, serious game) et des salariés. En effet, l’association JNA est en train de mettre la dernière main à un serious game consacré à la santé auditive au travail, qui est à la fois un outil de prévention et de détection du déficit auditif, sous une forme « un peu plus ludique et un peu moins médicale que d’habitude », a précisé Laurent Borella, directeur santé du groupe Malakoff Humanis, soutien de ce projet.
Enquête Ifop-JNA 2020 : focus sur le télétravail
Romain Bendavid, directeur de l’expertise Corporate et climat social de l’Ifop, a ensuite présenté les résultats clés de l’étude annuelle. L’explosion du recours au télétravail, pendant et depuis le confinement, a conduit la JNA à mettre la loupe sur les réponses des télétravailleurs.
- 1 actif sur 2 se dit toujours gêné par le bruit au travail : 53 % vs 59 % en 2019, mais la réponse « oui, souvent » reste à 18 %. Les 3 sources de nuisances sonores demeurent : les bruits extérieurs, ceux émis par les équipements et les conversations avoisinantes (au téléphone ou non). Les salariés restent plus impactés que les travailleurs indépendants.
- Depuis le début de la crise sanitaire, la proportion de personnes travaillant au moins une partie du temps en télétravail est passée de 25 à 34 %. Selon les situations, entre 2/3 et 3/4 des actifs en télétravail rencontrent des difficultés de compréhension de la parole : lors des échanges collectifs en visioconférences ou au téléphone, 80 % des télétravailleurs réguliers le mentionnent. Le temps quotidien passé avec un casque ou des écouteurs sur les oreilles augmente également : plus de 2 heures par jour pour 20 % des interrogés.
- Face aux gênes auditives constatées, peu de répondants disent être allés faire contrôler leur audition, cette année, contexte sanitaire oblige. Mais là encore, les télétravailleurs se détachent très nettement :
Réagissant aux résultats de cette enquête, Rémy Oudghiri, sociologue, a souligné que, de façon assez contre-intuitive, « on avait pensé le télétravail comme une manière de trouver du calme : cela s’est révélé vrai pour une partie de ceux qui le pratiquent. Il y a des questions centrales auxquelles on n’avait pas pensé : les difficultés d’audition, la qualité du son, de la connexion… La cause portée par la JNA sera particulièrement forte pour les années à venir ».
La matinée s’est poursuivie avec une table ronde consacrée à la question « Comment mettre en place une nouvelle écologie bruit santé ? », abordée sous les angles de l’architecture, de la RSE, de l’acoustique et de la médecine du travail.