A mesure qu’approche le 1er janvier et l’entrée en vigueur du RAC 0 réel en audioprothèse, les questions sur le comportement que vont adopter les principaux organismes de complémentaires santé concernant la classe II se font plus pressantes. Nous les avons soumises à l’analyse de Luis Godinho, président du Syndicat des audioprothésistes.
Dès janvier 2020, des audioprothésistes ont tiré la sonnette d’alarme en voyant sortir les tableaux de remboursements complémentaires, pour 2021, dans lesquels les appareils de classe II sont moins bien couverts que ceux de la classe I. Ce positionnement résulte, selon Luis Godinho, d’une erreur d’analyse : « certains Ocam sont partis du principe que les deux classes correspondaient à deux marchés distincts : l’un en entrée de gamme, pour lequel ils ont une obligation de prise en charge, l’autre à prix libres, pour lequel il pourrait y avoir des prises en charge variables selon les contrats. En réalité, les gens vont arbitrer. Si on leur propose des aides auditives de classe II, coûtant 250 € de plus que la classe I, mais pour lesquels la prise en charge serait de 250, 400 voire 500 € inférieure, ils vont naturellement se rabattre sur les appareils de classe I. Donc les complémentaires ne pourront espérer faire aucune économie en fixant le plancher de la prise en charge de la classe II en-dessous de la classe I. Mais elles feront beaucoup de mécontents parmi leurs adhérents… »
« Les Ocam qui voudraient contraindre leurs adhérents en limitant leur liberté de choix, au risque de les voir passer à la concurrence, montrent une certaine méconnaissance de notre profession »
Le président du Syndicat des audioprothésistes estime donc que les complémentaires qui espéreraient faire des économies sur la classe II, pour compenser la hausse des remboursements attendue sur l’appareillage en classe I, font fausse route. Par ailleurs, vouloir faire de la différenciation entre les contrats via des modulations de remboursements dans le poste « audioprothèse » serait un mauvais calcul. « Les gens comprendront très bien, et il semble que beaucoup d’audioprothésistes soient prêts à le leur expliquer, que la différence de remboursement ne vient pas de la Sécurité sociale, mais de leur complémentaire, souligne Luis Godinho. Et côté Ocam, il sera difficile de justifier le fait de moins bien rembourser des appareils plus haut de gamme. » Les organismes pourraient donc se retrouver dans une posture difficile à tenir, surtout dans le contexte de possibilité de résiliation à tout moment des contrats de complémentaires santé (passée la 1ère année), qui s’ouvre au 1er décembre 2020.
Le RAC 0 est suivi en haut lieu
Au cours du comité de suivi de la réforme 100 % santé, le 15 septembre dernier, Luis Godinho a mis la question de la liberté de choix des patients sur la table, du point de vue des enjeux de santé publique. « La corrélation entre la liberté de choix du patient et l’observance thérapeutique est aujourd’hui bien documentée, notamment sur le marché britannique où l’absence de choix nuit à l’efficacité et se traduit par beaucoup d’appareils peu ou pas portés », a-t-il expliqué, rappelant que la dernière publication du Lancet, à l’été 2020, était beaucoup plus affirmative que le rapport d’experts de 2017 sur « l’importance de corriger le déficit auditif pour éviter la démence ». La mise en œuvre du 100 % santé serait regardée de près par les pouvoirs publics, car elle est l’une des mesures phares du quinquennat. « Nous avons écho de parlementaires de la majorité qui ont identifié ce risque de malentendu sur le sens de la réforme, et qui sont donc très attentifs à sa mise en œuvre, même si elle ne concerne directement que 2 ou 3 millions de personnes, indique Luis Godinho. La meilleure façon d’appliquer la réforme est que le plancher du total AMO + AMC soit le même pour les deux classes afin de laisser véritablement le choix entre un reste à charge zéro et un reste à charge choisi. »