En préambule de la Journée nationale de l’audition, qui aura lieu ce jeudi 11 mars, l’association organisatrice a présenté ce matin les principaux enseignements de son enquête annuelle Ifop-JNA*. Elle révèle les effets de la crise sanitaire.
La députée Laurianne Rossi, présidente du Conseil national du bruit, a une nouvelle fois ouvert la table ronde de lancement de la JNA. « Il va falloir renforcer la politique de prévention concernant la santé auditive, la crise actuelle nous y oblige. J’ai fait inscrire la pollution sonore dans la loi, nous avons fait le 100 % santé, mais il faut se situer encore en amont, au niveau des nouveaux risques professionnels et des comportements dans la vie privée, qui induisent plusieurs heures d’utilisation d’écouteurs par jour. Cet enjeu de santé publique n’est pas pris à sa juste mesure pour le moment, nous devons tous nous mobiliser », a-t-elle affirmé.
Romain Bendavid, directeur du pôle Corporate et climat Social de l’institut Ifop, a ensuite présenté les principaux résultats du baromètre annuel de la JNA.
Le Covid relègue le sujet de l’audition au second plan
Parmi les sujets de santé, l’audition a reculé, passant de la 2e à la 5e position dans les préoccupations des Français. Elle est citée par le tiers des répondants, loin derrière les cancers et le Covid. Parallèlement, la notoriété de la réforme 100 % santé en audiologie reste perfectible, 51 % des Français en ont entendu parler – chiffre comparable à celui trouvé dans le baromètre SDA-BVA – mais avec de gros écarts en fonction des profils. 72 % des retraités sont au courant, mais pas 61 % des ouvriers, ni 64 % des catégories les moins favorisées.
Globalement, une majorité de Français se déclare mal informée sur la santé auditive (56 % des répondants). 87 % affirment même que la crise sanitaire n’a pas renforcé leur envie de s’y intéresser. Seuls 14 % ont fait la démarche de se renseigner contre 21 % l’année dernière, mais parmi les personnes télétravaillant à temps plein, le quart dit s’être informé. Cela montre, en cohérence avec les chiffres rendus publics lors de la Semaine de la santé auditive au travail, que la crise sanitaire a fait naître de nouvelles préoccupations et de nouveaux besoins en matière de santé auditive. Parmi les personnes qui ont cherché de l’information, la majorité l’a fait auprès d’un professionnel de santé (59 %).
Les mesures sanitaires accentuent certaines difficultés d’audition
Plus du tiers des sondés déclarent rencontrer des difficultés de compréhension de la parole, visiblement accentuées par des situations devenues courantes avec les mesures sanitaires : réunions à distance, port du masque… 81 % des répondants disent que ce dernier complique l’intelligibilité, ce chiffre atteignant 90 % chez les 15-17 ans et 88 % dans les catégories socio-professionnelles modestes. L’enquête montre l’extension de pratiques d’écoute potentiellement délétères pour l’audition : via les haut-parleurs des téléphones et ordinateurs, avec des casques sans réduction de bruit… L’échantillon se partage à égalité entre les personnes affirmant ne pas dépasser 50 % du niveau sonore possible sur leur casque ou écouteurs et ceux dépassant ce niveau ; l’écoute modérée concerne d’abord les plus de 35 ans et les personnes télétravaillant. Si les durées quotidiennes d’écoute au casque n’explosent pas, elles ont augmenté pour 39 % des Français, notamment les plus jeunes, les télétravailleurs et les catégories socio-professionnelles défavorisées.
La crise sanitaire a creusé les inégalités en santé auditive
Les inégalités générationnelles et sociales se retrouvent dans quasiment tous les items de l’enquête : les plus jeunes et les plus démunis sont les moins à même d’accéder aux soins auditifs… En général, 39 % des sondés mentionnent une gêne ou des troubles auditifs. Mais ils sont 63 % chez ceux qui télétravaillent à temps plein, 50 % chez les moins de 35 ans et 59 % chez les 18-24 ans. Devant ces difficultés, 46 % des personnes concernées se sont tournées vers leur médecin traitant, 19 % vers un ORL, 17 % vers leurs proches. Seuls 4 % ont eu recours à un audioprothésiste, devant le médecin du travail cependant (3 %).
Le taux de personnes déclarant avoir réalisé un bilan chez un ORL au cours de l’année écoulée est en baisse : 41 % en 2021 contre 51 % en 2020 et 47 % en 2019. A noter que 12 % disent avoir dû le reporter en raison de la crise sanitaire, un chiffre là aussi très clivé en fonction du niveau social.
« Nous avons vécu une année particulière avec la réduction des capacités d’accueil des patients en consultations. Les problèmes d’audition n’ont pas été jugés prioritaires, les gens ont décalé leurs rendez-vous, alors même que l’anxiété générée dans la période a beaucoup augmenté les acouphènes. On voit, par ailleurs, de plus en plus de personnes venir pour des problèmes de gêne dans le bruit. »
Frédéric Venail, ORL, chef du service d’Otologie et neurologie du CHU de Montpellier.
Face à la perte d’audition, l’acceptation théorique des appareils de correction reste élevée et stable : 85 % des Français affirment qu’ils accepteraient de porter des aides auditives, c’était 88 % en 2019. Mais on constate là encore un clivage social, les moins favorisés étant plus nombreux à dire « non » 23 % vs 15 % en population générale. Parmi ces derniers, c’est d’abord le prix qui reste un frein : 1 sur 5 estime que les appareils sont trop chers, 12 % redoutent l’inconfort, 11 % le stigmate et 10 % le caractère inesthétique. Des chiffres à relier, bien entendu, au fait qu’une personne sur deux n’est pas informée de la réforme 100 % santé.