Sur demande de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a réalisé une analyse du système français de prise en charge (RO+RC), dont elle a présenté hier les conclusions aux députés.
La Cour des comptes souligne d’abord les particularités de notre système qui mise sur l’articulation entre régime d’assurance maladie obligatoire et complémentaires santé pour réduire les restes à charge des patients, sans mise en place de plafonnement des dépenses annuelles (« bouclier sanitaire ») mais avec des dispositifs d’exonération sectoriels : tickets modérateurs notamment pour les personnes en affection longue durée. Les Ocam assument les remboursements de 13,7 % des dépenses de santé (chiffres 2017), c’est deux à cinq fois plus que chez nos voisins. 96 % de la population est couverte par une complémentaire santé (chiffre 2015), taux très élevé. Et le reste à charge des ménages est le plus faible des pays de l’OCDE : il correspondait à 6,9 % du total de la consommation de soins et de biens médicaux en 2017. Cette couverture a un coût, que la CDC juge très élevé et qu’elle estime ainsi : 10 Md d’euros pour les mesures favorisant l’accès à la complémentaire santé, auxquels s’ajoutent 2,6 Md d’euros pour la CSS, qui atteindront, lorsque la réforme en cours sera achevée, 3,7 à 4,9 milliards, d’après la Cour.
Les limites du système
La Cour des comptes relève 2 grands types de difficultés.
« Les coûts de gestion des assurances complémentaires dépassent ceux de l’Assurance maladie obligatoire malgré des dépenses remboursées qui sont 6 fois inférieures », a indiqué François de La Guéronnière, conseiller maître de la CDC aux députés de la Commission des Affaires sociales. Le RO et le RC intervenant sur les mêmes risques, ce type de coût s’applique donc deux fois. Deuxième grand écueil, la persistance d’inégalités entre les bénéficiaires des complémentaires : les salariés du secteur privé sont mieux couverts, la tarification en fonction de l’âge pénalise les plus âgés… Et, concernant la CSS, bien que la Cnam ait développé des instruments pour réduire le renoncement, le taux de recours n’est passé que de 60 à 70 %.
L’étude aborde également le 100 % santé, mais les chiffres utilisés sont caducs (dernière phase de la réforme non prise en compte) et pour certains très datés : pour l’audioprothèse, ce sont des données de 2014.
Les recommandations de la Cour
Pour corriger des défaillances dans le cadre du système existant, la CDC fait 5 propositions : améliorer l’information sur les remboursements par les Ocam, renforcer les études menées par la Drees sur la CSS, faire un bilan du 100 % santé à 3 ans, homogénéiser l’assiette de la CSS avec celle du RSA, expérimenter l’attribution et/ou le renouvellement automatique de la complémentaire solidaire.
Plus en profondeur, la Cour énonce 3 scénarios possibles pour une réforme beaucoup plus radicale.
- La mise en place d’un bouclier sanitaire – scénario le plus éloigné du système actuel – soit un plafonnement des restes à charge en fonction des revenus.
- Une redéfinition du partage des rôles entre Assurance maladie et Ocam, en désimbriquant les interventions respectives du RO et du RC. Par exemple, les paniers de soins 100 % santé seraient pris en charge intégralement par l’Assurance maladie tandis que ceux à prix libres seraient couverts exclusivement par les complémentaires.
Cette hypothèse est déjà assez régulièrement évoquée (encore récemment par le HCAAM, lire notre article) et plus particulièrement concernant l’optique: Cyrille Isaac-Sibille l’a de nouveau soulevée au cours des échanges avec la CDC.
- Une régulation accrue des complémentaires santé, en favorisant une plus grande comparabilité des offres de garanties et en encadrant les frais de gestion, voire les cotisations.