Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale vient d’être adopté en 1ère lecture à l’Assemblée nationale, les Conseils nationaux professionnels (CNP) d’ORL, d’ophtalmologie, et de médecine physique et de réadaptation publient un communiqué s’érigeant à la fois contre la possibilité de prescrire, pour les orthoptistes, et contre l’accès direct (sans prescription) aux orthophonistes.
Les 3 CNP réunis disent « Non à l’ubérisation de la médecine ». Ils visent 2 articles du PLFSS 2022, dont la 1ère lecture au Sénat vient de commencer : les numéros 40 et 41 sexies. Le premier prévoit que les orthoptistes seront autorisés à réaliser un bilan visuel et à prescrire des verres correcteurs et des lentilles de contact, sans prescription médicale préalable et sans être placés sous la responsabilité d’un médecin. L’article 41 sexies introduit une expérimentation dans 6 départements et pour 3 ans : les orthophonistes seront autorisés à « exercer leur art sans prescription médicale », un bilan initial et un compte-rendu des soins devant être adressés au médecin traitant du patient. Le Syndicat national d’ORL s’était déjà érigé contre cette nouveauté, dans des communiqués du 22 octobre et du 2 novembre. Des « réactions d’un autre temps » selon la Fédération nationale des orthophonistes.
Les conseils nationaux professionnels d’ORL, d’ophtalmologie (Académie française d’ophtalmologie) et de médecine physique et de réadaptation (MPR), qui se disent soutenus par de nombreuses organisations professionnelles*, « n’acceptent pas que le double rôle diagnostique et thérapeutique du médecin, qui fonde son métier, soit brutalement transféré à des professions dont ce n’est pas le rôle et qui n’ont pas la formation universitaire et pratique nécessaires ». Ils dénoncent un manque de concertation et récusent l’argument du gouvernement en faveur de ces mesures, censées favoriser l’accès aux soins dans les déserts médicaux. Les professions paramédicales concernées ne sont pas mieux représentées que les médecins dans ces zones, affirment les CNP. Ils alignent leurs propres arguments : risque de perte de chances pour les patients, questionnement sur la pertinence des traitements, confusion des rôles dans le parcours de soin, responsabilité civile ou pénale des paramédicaux concernés en cas d’erreur, « démédicalisation progressive des soins de premier recours ». En clair : « le médecin doit rester incontournable et le colloque singulier conservé ».
Le communiqué commun en appelle aux députés et sénateurs, leur demandant de repousser ces mesures, estimant que des bouleversements de cette ampleur doivent faire l’objet de « textes législatifs basés sur des négociations préalables entre acteurs médicaux, paramédicaux et autorités de santé ».