En prélude de la Semaine du Son, qui se déroulera du 16 janvier au 1er février, son fondateur, Christian Hugonnet, a invité le Pr. Paul Avan à présenter les résultats de son étude sur les sons compressés, en avant-première.
La conférence de presse en ligne organisée ce mercredi 12 janvier a permis de faire le point sur la thématique Santé, l’un des 5 axes majeurs de l’évènement. Dans le cadre du partenariat qui la lie désormais à l’Institut de l’audition, la Pr. Christine Petit, sa directrice a rappelé comment la recherche sur l’audition a réussi à élucider certains mécanismes moléculaires (pointant aussi les défauts génétiques responsables des surdités) et a basculé dans l’analyse des fonctionnements cérébraux. Tant la plasticité du cerveau – et l’espoir qu’elle porte en matière de thérapies – que les liens entre perte auditive et déclin cognitif poussent les chercheurs à étudier tout le fonctionnement du système auditif, périphérique, central et jusqu’à la cognition.
Des effets délétères des sons compressés
Après avoir souligné les principes qui ont présidé à la création de la Semaine du Son de l’Unesco, Christian Hugonnet a fait part de son intuition : « Je me suis rendu compte que nous avions perdu la relation avec le son naturel et qu’il fallait que nous rentrions dans cette problématique de l’usage de la compression », en supposant qu’elle nous fait perdre « une partie de notre capacité à écouter des niveaux faibles ». C’est l’objet de l’étude « Danger pour l’audition de la musique compressée », menée par Paul Avan, directeur du Centre de recherche et d’innovation en audiologie humaine à l’Institut de l’audition, avec le soutien de la Fondation Ecouter Voir (anciennement Visaudio). Elle a consisté à exposer durant 4 heures des cochons d’Inde (familiarisés au contact avec l’homme pour écarter les réactions de stress) à de la musique très compressée ou non, au niveau maximum légal de 102 dBA. L’audition des animaux a été évaluée juste avant, juste après, puis à 24h, 48h et jusqu’à une semaine plus tard.
« Première mondiale »
« Si l’on regarde les tests que font habituellement les ORL, on ne constate rien, rapporte le Pr. Avan. Les normes légales sont protectrices. » Mais en remontant la chaîne, les scientifiques ont observé que les circuits nerveux de contrôle des cobayes exposés à la musique compressée étaient perturbés. Les petits muscles situés tout à l’arrière de l’oreille et qui se comportent comme des « clapets régulateurs » présentent des signes de fatigue : leur action a été étudiée en mesurant la quantité d’énergie qui passe vers l’oreille interne. Il n’existe pas de consensus, actuellement, sur le rôle exact de ces muscles mais il est établi qu’ils jouent un rôle dans la localisation des sources sonores. L’hypothèse de l’équipe dirigée par Paul Avan est que musique surcompressée comprend tous les éléments pouvant induire une fatigue extrême du système auditif, avec une récupération très faible et annihilée si une nouvelle exposition survient… On pense aux personnes qui vont en discothèque ou assistent à des concerts toutes les semaines, par exemple. Les chercheurs suspectent des lésions au niveau des connexions neuronales mais cela reste à démontrer.
Invité à commenter cette étude, présentée par Christian Hugonnet comme une « première mondiale », le Dr Alain Londero, qui dirige la consultation Acouphène et hyperacousie de l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris, a indiqué qu’il n’y a pas de données scientifiques permettant d’affirmer que les sons compressés sont plus pourvoyeurs d’acouphènes que les autres. Cependant, il est concevable, intuitivement, que le dysfonctionnement du système cérébral pointé par Paul Avan puisse induire des effets délétères supplémentaires.
Un concert didactique et un projet de label
Tous ces sujets seront abordés lors de la soirée Santé de la Semaine du son, mercredi 19 janvier à l’Unesco. En outre, un concert démonstration est prévu pour rendre tangible ce qu’est une musique compressée, au théâtre du Châtelet, le 1er février à 20h, avec Thomas Dutronc. Pour lutter contre « cette asphyxie de l’oreille » causée par l’absence de micro-silence dans les sons compressés, Christian Hugonnet a annoncé l’amorce d’un travail de réflexion, avec Universal, l’Ircam et l’Institut de l’audition sur un projet de label marquant l’engagement de producteurs de musique, d’ingénieurs du son à ne pas dépasser certains niveaux de compression. Il pourra être apposé pour éclairer les choix du grand public.