Ouïe Magazine
Publié le 08/03/2022

A la suite de la publication du rapport de la mission Igas-IGÉSR sur la filière auditive, L’Ouïe Magazine a sollicité la Direction de la Sécurité sociale pour connaître ses analyses de certaines des propositions clés.

Le rapport rédigé par la mission Igas-IGÉSR reflète-t-il bien les enjeux du secteur de l’audioprothèse ?

La mission a pu analyser les effets du 100 % Santé et traiter de l’ensemble des enjeux du secteur, tant sur l’organisation de la filière que sur le parcours de soins des patients. En revanche, elle n’a pas pu analyser finement ses effets qualitatifs pour les patients du fait de l’indisponibilité des données nécessaires : une enquête qualité sur la satisfaction des patients sera déployée dans les prochains mois pour satisfaire ce dernier aspect. Le 100 % santé a permis principalement de lever le frein financier dans la démarche d’équipement, qui était d’ailleurs une des principales raisons de sa mise en place.

La 1ère proposition, “Prévoir un reversement par les audioprothésistes d’une partie du forfait en fonction de la matérialité du suivi”, serait-elle possible à mettre en œuvre ?

L’efficacité médicale de l’appareillage auditif est fortement liée à l’observance et à une adaptation des appareils auditifs tout au long de leur durée d’utilisation. La réalisation et la télétransmission des prestations de suivi doivent encore améliorées, malgré une forte progression en 2021. Les pistes permettant un meilleur suivi de la réalisation effective de ces prestations, dont celles mentionnées dans le rapport Igas-IGÉSR, seront examinées par la DSS. Ces propositions nécessiteraient une instruction technique complémentaire afin de s’assurer de leur faisabilité, compte tenu de la complexité de gestion qu’elles pourraient poser. Elles restent différentes d’une dissociation de la vente de l’appareil et de la prestation de suivi dans la mesure où le prix resterait global et le reversement ne concernerait que les cas dans lesquels les prestations ne sont globalement pas réalisées.

Est-elle proportionnée à l’objectif visé ?

Les prix des aides auditives tels que négociés avec les acteurs dans le cadre du 100 % santé intégraient la prise en charge des prestations d’adaptation et de suivi par l’audioprothésiste. Dès lors, il est indispensable de s’assurer que ces prestations prises en charge par l’Assurance maladie sont bien réalisées par les professionnels. La rémunération qui leur est attribuée est trop importante pour que nous restions dans l’incertitude sur leur réalisation effective.

Dans un premier temps, des actions de la Cnam sont envisagées pour renforcer l’information du patient sur le droit d’en bénéficier et accompagner les audioprothésistes dont les taux de prestations de suivi sont particulièrement faibles. Ces initiatives devraient permettre d’accélérer encore la montée en charge du nombre de prestations de suivi réalisées.

La progression des télétransmissions des rendez-vous de suivi se confirme-t-elle en ce début d’année ?

Au départ du déploiement de la réforme, les séances de suivi étaient insuffisamment télétransmises à l’Assurance maladie. Les échanges avec les professionnels ont permis d’identifier des difficultés qui ont été résolues par un rappel des consignes au réseau des CPAM et un rappel des consignes déclaratives par les syndicats de la profession.

Réaction de la DSS à la publication du rapport Igas : « Un tiers des patients n’a encore aucune consultation de suivi télétransmise »

Il reste cependant des marges de progression, puisqu’un tiers des patients n’a encore aucune consultation de suivi télétransmise. Une poursuite de la hausse est attendue sur l’année 2022. Le suivi du patient tel que le préconisait la HAS doit conduire à plusieurs télétransmissions sur toute la durée d’utilisation de l’aide auditive.

Où en est-on de l’application du tiers payant intégral sur le 100 % santé en audiologie ?

Le déploiement du tiers payant intégral doit permettre de faciliter l’accès aux équipements par la dispense d’avance de frais, ce qui participe de la réussite de la réforme. Depuis le 1er janvier 2022 et comme prévu par l’article 65 de la LFSS 2021, les organismes complémentaires ont l’obligation de permettre aux assurés de bénéficier du tiers payant intégral sur les produits et prestations de l’offre 100 % Santé.

Au deuxième trimestre 2021, 56 % des aides auditives du panier 100 % Santé étaient facturées en tiers payant intégral (dont 13 % de tiers-payant intégral dans le cadre de la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire), 36 % en tiers payant pour la seule part AMO et 8 % hors tiers payant.

Un suivi rapproché a été mis en place par le ministère en 2021 en lien avec les acteurs et a permis de montrer que plusieurs évolutions sont nécessaires pour améliorer le déploiement du tiers payant intégral. Une disposition visant un encadrement réglementaire des services numériques des Ocam afin de permettre une simplification et une harmonisation a été censurée par le Conseil constitutionnel ; elle ne pourra donc être inscrite que dans un autre véhicule législatif. Dans l’attente, les travaux avec les professionnels comme avec les Ocam sur le déploiement du tiers payant seront poursuivis.

Que pensez-vous de la proposition des rapporteurs de l’Igas-IGÉSR d’étendre l’obligation de tiers payant intégral aux appareils de classe II ?

L’obligation de proposer le tiers payant intégral pour les appareils de classe II pose des problématiques spécifiques qui n’existent pas sur les paniers 100 % santé. Elles tiennent notamment au fait qu’en l’absence de plafonnement des prix, le niveau de prise en charge dépend du niveau de garantie de chaque contrat de complémentaire pour tout ce qui se situe au-delà du ticket modérateur. Des échanges sont donc nécessaires entre le professionnel de santé et l’Ocam pour connaître le niveau de la prise en charge de l’assuré, alors que celle-ci est connue sur le 100 % santé. Les travaux en cours sur l’harmonisation bénéficieront toutefois à l’ensemble des appareils, quelle que soit leur classe, les outils de tiers payant utilisés étant communs.

Compte tenu des chiffres du marché en 2021, l’abaissement des prix limites de vente des aides auditives – prévu par l’arrêté du 14 novembre 2018 – est-il inéluctable ?

Le protocole d’accord 100 % santé inclut une clause d’abaissement du prix limite de vente des appareils auditifs de classe I lorsque les volumes de vente d’appareils atteignent un certain niveau (935 000). Les données actuellement disponibles sur 2021 démontrent que les conditions sont réunies pour activer le déclenchement de cette clause. Toutefois, au regard de l’atypie de cette première année d’entrée en vigueur complète de la réforme, il a été décidé d’attendre les données de volumes des premiers mois de 2022 avant de la mettre en œuvre. Il s’agit de tenir compte du contexte particulier, mais cela ne remet pas en cause le principe de cette clause, qui avait fait l’objet d’un accord avec les représentants de la profession. Pour rappel, le niveau élevé du PLV à 950 € avait été concédé en contrepartie de la mise en place d’un seuil au-delà duquel il serait revu à la baisse.

 

Vous venez de lire l’interview dans une version condensée. Vous pouvez la retrouver en intégralité ici: Reactions de la DSS au rapport de la mission Igas IGESR pour L Ouie Magazine.

 

Retrouvez, dans le numéro 111 de L’Ouïe Magazine, à paraître, notre dossier complet sur les réactions suscitées par la publication du rapport Igas-IGESR.

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