L’Association francophone des équipes pluridisciplinaires en acouphénologie (Afrépa) a consacré sa réunion de printemps, ce samedi 26 mars, à l’utilisation d’outils numériques dans la prise en charge des acouphéniques par les psychologues, les ORL, les sophrologues et, bien sûr, les audioprothésistes.
La matinée, animée par les ORL Vincent Loche et Marie-José Fraysse, présidente de l’Afrépa, a vu se succéder plusieurs interventions sur les téléconsultations en psychologie et en sophrologie pour les patients acouphéniques et/ou hyperacousiques. Les spécialistes en ont souligné l’intérêt dans certains cas – confinement, évidemment, mais aussi impossibilité pour la personne de quitter son domicile, dans un premier temps – et leurs limites comme la disparition de l’espace neutre et partagé de la consultation, par exemple.
Halte aux applis “Canada Dry”
Du côté de la prise en charge audioprothétique, Eric Bizaguet a d’abord fait part de son expérience du téléréglage. Outil puissant, mais chronophage pour l’audioprothésiste et qui ne permet pas à la pratique de l’audioprothèse, très « opératrice-dépendante », de se déployer pleinement puisque l’audio ne peut pas s’appuyer sur les indices morpho-psychologiques. Les téléréglages doivent donc être réservés à des situations ponctuelles, dans lesquels le patient ne peut se déplacer. Tout en mettant en garde contre des applis « Canada Dry » qui imitent une prise en charge complète de la personne acouphénique (thérapie sonore, relaxation, “protocole”) sans en être une, Eric Bizaguet a testé plus en détail une application dédiée. Il en a retenu le caractère très ludique, intéressant car « il est important d’intégrer le plaisir à travailler » pour des patients acouphéniques. Les notions de challenge, de récompense ou de félicitations apportent des encouragements bénéfiques. Cependant, les durées d’exposition sonore sont très restreintes par rapport à celles que peuvent fournir des aides auditives. Toutes les applis souffrent du « manque de contact humain et d’adaptabilité » aux besoins spécifiques de l’individu, a souligné l’audioprothésiste.
Auto-assistance
S’appuyant sur une revue de littérature scientifique, Paul Viudez a montré que les niveaux de preuve de l’efficacité des applis mobiles pour atténuer les symptômes demeuraient actuellement faibles. L’utilisation des applications pourrait donc s’envisager seulement en traitement « de première intention en auto-assistance chez les patients “sans risque” » ou comme un outil parmi d’autres dans une proposition thérapeutique globale par les praticiens, a indiqué l’audioprothésiste.
L’audiométrie à distance est-elle fiable ?
Le Pr. Hung Thai Van a fait le point sur les solutions de téléaudiométrie en 2022 et donné les conclusions de l’étude comparative multicentrique sur l’audiométrie dématérialisée vs traditionnelle, menée avec le concours de 3 audioprothésistes : Jean-Baptiste Melki à Saint-Priest, Matthieu Desmettre à Caluire et Maxime Bonneuil à Bron (publication désormais en accès libre). Il n’a pas été trouvé d’écart significatif entre les deux méthodes audiométriques. Sous réserve de validation sur ensemble des classes d’âge (dans cette étude, l’âge moyen était de 75 ans), l’audiométrie dématérialisée peut être considérée comme fiable.
Les solutions disponibles
Robin Guillard, chercheur et co-fondateur de l’appli Siopi, et le Dr Vincent Loche ont passé en revue différents types de solutions proposées aux acouphéniques. Concernant les applis destinées à soulager les acouphènes, on en comptait déjà plusieurs centaines en 2019 (686, mais certaines sont en “double”, sur Google App et dans l’App Store). Elles sont finalement peu utilisées par les personnes concernées. Un sondage mené auprès des utilisateurs de Siopi cette année montre que 14,5 % avaient déjà utilisé une application précédemment pour leurs acouphènes. Citant une étude britannique qui a classé les applis selon des scores d’efficacité, Robin Guillard a indiqué que les payantes ne semblent pas présenter de plus-value par rapport aux gratuites. Vincent Loche a rapidement détaillé les fonctionnalités offertes par 3 applis mobiles de gestion des acouphènes proposées par les fabricants d’aides auditives, puis abordé les accessoires permettant l’écoute de sons potentiellement thérapeutiques par les personnes non équipées d’aides auditives (bandeaux, oreillers-haut-parleurs…). Le médecin a témoigné du fait que certains patients utilisent des applications non dédiées pour soulager leurs acouphènes : aide à l’endormissement, gestion du stress… Selon les personnalités, la nature de leurs symptômes et le niveau de gêne, certaines applications pourraient constituer un recours, notamment pour celles qui ont un THI peu élevé : possibilité de choisir elles-mêmes les sons qui apaisent, solution alternative et partielle pour les acouphéniques qui sont éloignés des équipes pluridisciplinaires…
Pour clore la matinée, Fabrice Bardy a présenté Tinnibot (chatbot qui joue le rôle d’un coach virtuel pour les patients), créé en Australie et en cours d’adaptation en France, et Robin Guillard est revenu sur le fonctionnement de Siopi.