Le 27 juillet, la Cour des comptes a présenté les conclusions de son enquête sur le 100 % santé demandée par la commission des Affaires sociales du Sénat. Parmi les recommandations formulées pour améliorer le système, figure l’application de la clause d’abaissement du prix limite de vente des aides auditives de classe I, inscrite dans l’accord de 2018.
Soulignant le manque de recul et les perturbations liées à la crise sanitaire, qui sont susceptibles de biaiser les données disponibles, François de la Guéronnière, conseiller maître à la Cour des comptes, a dressé un bilan global de la réforme, en soulignant son succès en audioprothèse : « en 2021, 40 % des aides auditives vendues étaient sans reste à charge et il y a eu une forte augmentation du nombre de patients. Mais les consultations de suivi ne sont pas encore au niveau de la consommation du nombre de produits, c’est un point à surveiller », a-t-il expliqué devant la commission des Affaires sociales du Sénat. Dans le cadre de son enquête, la Cour des comptes a ensuite identifié plusieurs leviers à mobiliser pour parfaire le dispositif : renforcer la communication afin d’améliorer la notoriété de la réforme, mettre en place une évaluation de la qualité des équipements (« un questionnaire était prévu mais il n’a toujours pas vu le jour », regrette François de la Guéronnière) et faire respecter l’obligation de proposer le tiers payant intégral.
« Aucune baisse réalisée » malgré le dépassement du seuil, relève la Cour des comptes
En ce qui concerne les outils de régulation prévus lors de la mise en place du 100 % santé, la Cour des comptes rappelle qu’il n’en existe qu’un pour l’audioprothèse, à savoir la réduction de 50 euros du prix limite de vente de la classe I (aujourd’hui fixé à 950 euros). « Ce mécanisme devait s’appliquer si le volume vendu excédait 650 000 audioprothèses sur 9 mois ou 935 000 en 2021. Ce seuil a été largement dépassé en 2021 (1,38 millions d’unités à fin novembre), pour autant aucune baisse n’a été réalisée », constate François de la Guéronnière.
Suite à son enquête, la Cour des comptes recommande ainsi d’actionner cette clause de volume pour réviser à la baisse le prix limite de vente des audioprothèses du panier 100 % santé. Elle préconise également un partage de données entre l’AMO et les complémentaires santé, en veillant à la mise à disposition des données de remboursement par ces dernières afin d’assurer, sur cette base, un suivi identifiant les dépenses exposées au titre de la réforme. Enfin, pour le dentaire, la Cour suggère de prévoir une clause permettant d’agir en cas de dérapage de la trajectoire des dépenses de prothèses et de renforcer les contrôles de la mise en œuvre du 100 % santé.
La classe I est-elle adaptée aux besoins ?
Suite à l’exposé de ces conclusions, Elisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne, a invité la Cour des comptes à écouter les professionnels concernés. « Ce que j’entends des audioprothésistes, c’est que la qualité des produits 100 % santé n’est pas forcément en adéquation avec les problèmes identifiés sur les patients. C’est un vrai problème, car ils reviennent continuellement pour essayer de mettre l’appareil au bon niveau, mais avec des difficultés, parce que ces produits-là ne sont pas en capacité d’apporter une qualité suffisante », a déclaré l’élue. Pour François de la Guéronnière, il faut en effet « absolument se poser la question de l’adéquation des produits aux véritables besoins avant de faire évoluer la réforme ». Et pour cela, il faut disposer de données tangibles, notamment relatives à la satisfaction des patients équipés en classe I.
Luis Godinho, président du SDA, a réagi en soulignant l’incohérence d’une éventuelle baisse du prix de la classe I : « je vois mal comment on pourrait imposer aux professionnels qui ont si bien joué le jeu une baisse de prix, d’autant plus que l’inflation correspond à peu près aux 50 euros » prévus par la clause de volume, a-t-il indiqué à l’AFP et confirmé à L’Ouïe Magazine. Il rappelle en outre que l’Assurance maladie, principal financeur de la réforme, ne mentionne pas cette hypothèse dans les propositions d’évolution qu’elle formule dans son dernier rapport Charges et Produits.
Ce sujet a fait l’objet d’un débat TV organisé par L’Ouïe Magazine lors du Congrès des audioprothésistes. Retrouvez ici notre émission « L’abaissement du prix de la classe I mettrait-il la filière en péril ? », avec Pascal Boulud, vice-président du pôle Audiologie du Snitem, et Laurent Buri, audioprothésiste et confondateur de l’enseigne Sonance.