Ouïe Magazine
Publié le 16/03/2023

Nouveau temps fort du 43ème des Congrès des audioprothésistes : la table ronde organisée par le Synea et intitulée « Quelles améliorations du parcours patient après le 100 % santé dans l’audition ? ». Elle a réuni Richard Darmon (président du Synea), le Pr Bernard Fraysse, le Dr Catherine Takeda-Raguin (gériatre), Vincent Krause (audioprothésiste) et Arthur Souletie (société Vetys, spécialisée dans l’intelligence des data).

« La réforme est une avancée considérable », a rappelé Richard Darmon, chiffres à l’appui : + 70 % de Français qui s’appareillent, 46 % de taux d’équipement, 90 % de binauralité, transparence accrue des prestations (questionnaires, reporting…), image de qualité des produits et prestations, baisse de la stigmatisation et réduction du reste à charge moyen de plus de 350 euros, « essentiellement portée par les audios avec la baisse du prix moyen. Notre profession a beaucoup investi », a insisté le président du syndicat. Pour autant, plusieurs défis restent à relever pour améliorer le parcours patient après le 100 % santé. Le premier est la précocité de l’appareillage qui n’a pas évolué. Sur ce sujet, Vincent Krause a présenté des chiffres éloquents issus de données récoltées par les enseignes membres du Synea et de la dernière étude EuroTrak. Quel que soit le niveau de la perte, l’âge moyen d’appareillage est toujours de 74 ans, à peu près le même qu’en 2018. En ce qui concerne la répartition des appareillages en fonction du degré de déficience auditive, on constate que, pour les pertes intermédiaires, la moyenne reste à 50 dB et la répartition entre les niveaux de pertes n’évolue pas. Pour les surdités légères, la recommandation d’appareillage de l’ORL a augmenté de 9 points depuis 2018 (de 46 % à 55 %), ce qui signifie que « la sensibilisation des prescripteurs fonctionne ». Cette donnée est cependant contrebalancée par l’augmentation de la médiane du délai entre la prescription et la date d’appareillage, qui augmente progressivement : 45 jours en 2018, 75 jours en 2020 et 77 en 2021.

4 axes de progrès

Suite à ces constats, le Pr Fraysse a listé les pistes d’amélioration possible. Le premier axe concerne la précocité de la prise en charge, en mettant en exergue le lien confirmé entre le risque de déclin cognitif et l’importance de la perte auditive. Le praticien a présenté les mesures mises en place par l’Etat pour améliorer le dépistage : recommandations grand public, consultations de prévention à plusieurs âges de la vie, expérimentation de nouveaux parcours… Le second levier est l’amélioration de l’accès aux soins auditifs des plus vulnérables. « Les gens qui habitent en zone défavorisée consultent 15 ans plus tard. Il faut adapter sa pratique en s’appuyant sur la « health literacy » – la mesure qui permet d’évaluer la capacité des patients à accéder, comprendre et appliquer une information médicale – et en renforçant les liens entre les professionnels de santé et le milieu associatif. » Troisième axe d’amélioration : la pertinence de la prescription, qui doit tenir compte du contexte audiologique, des capacités cognitives, des attentes du patient, des besoins technologiques, des signes associés et des alternatives technologiques. « Il faut que la classe II soit proposée à ceux qui en ont besoin », a insisté le Pr Fraysse. Enfin, des progrès restent à faire en termes de parcours de soins, sur la base d’expérimentations partant d’un dépistage le plus large possible, impliquant l’ensemble de l’entourage du malentendant.

La pertinence d’une approche par territoire

Arthur Souletie a ensuite présenté une analyse des territoires mettant en exergue les inégalités d’accès à la prescription médicale. « 20 % des primo-prescriptions sont faites par les généralistes mais cette moyenne cache des réalités diverses selon l’intercommunalité considérée. » En effet, 16 % des plus de 75 ans sont à plus de 30 mn de l’ORL le plus proche. Dans certaines zones, il faut plus de 60 minutes pour atteindre le spécialiste. « La distance à l’ORL n’est pas le seul critère explicatif du poids des généralistes dans la primo-prescription. Il y a aussi des questions de densité médicale et de précarité », a indiqué le spécialiste, en ajoutant que la baisse globale du nombre d’ORL devrait se poursuivre, à hauteur de – 8 % selon la Drees entre 2022 et 2030.

La table ronde s’est clôturée sur l’intervention de Catherine Takeda-Raguin, gériatre au CHU de Toulouse, qui a détaillé le programme Icope mis en place par l’OMS, et qui consiste à surveiller 6 fonctions essentielles (dont l’audition) auprès de sujets de 60 ans et plus vivant à domicile. Ce projet est présenté comme une illustration de ce qui peut être fait en terme d’amélioration de l’accès aux soins et du parcours du malentendant.

« La réorganisation des soins doit faire l’objet d’une réflexion à l’échelle de chaque territoire. Il faut identifier les partenaires : gériatres, généralistes, audioprothésistes, orthophonistes… », a conclu Bernard Fraysse, en se disant favorable à une réflexion générale. Cette approche est soutenue par Richard Darmon, qui s’est prononcé en faveur d’expérimentations et de délégations de tâches sur certains territoires, qui « permettront de comprendre ce qui se passe de manière pragmatique. On s’appuie sur une belle réforme. Il reste du chemin à faire, on le fera au travers de débats, de co-construction et d’adaptations très fines au plus proche du patient ».

 

 

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