Même si le lien entre déclin cognitif et déficience auditive est désormais avéré, la prise en charge de la malentendance en Ehpad laisse fortement à désirer. A l’occasion de sa Journée de l’audition, le Congrès de la SFORL a présenté des initiatives prometteuses pouvant changer le quotidien des résidents, de leurs proches et des soignants.
Porté par la Fondation pour l’audition, en lien avec SurdiFrance et Le Messageur, le projet « Vers une meilleure prise en compte de l’audition en Ehpad » vise à prévenir l’isolement et le déclin cognitif chez les personnes âgées. Initié dans le département de la Manche, dans 58 établissements regroupant 885 résidents, il consiste à former le personnel à l’utilisation des aides techniques et à l’entretien des aides auditives. Entre 2019 et 2021, 10 sessions de formation ont été organisées. La SCOP Le Messageur assure la partie opérationnelle du projet, pour développer l’utilisation des aides techniques complémentaires, quand les aides auditives sont insuffisantes. Les résultats sont particulièrement encourageants, de nombreux résidents retrouvant le plaisir de communiquer avec le personnel ou leur famille après la complexité voire la rupture de leurs liens sociaux en raison de leur handicap auditif. Cette opération, qui implique une approche pluridisciplinaire pour équiper les personnes placées en Ehpad mais aussi modifier les habitudes de leur entourage, a vocation à être généralisée dans les 7 500 établissements de ce type en France. Son efficience reste cependant liée à l’amélioration du dépistage de la déficience auditive quel que soit son niveau, seules les surdités profondes étant aujourd’hui repérées dans les résidences.
Une expérimentation pour surmonter les freins à la prescription et à l’appareillage
La prise en charge de l’audition dans les Ehpad se heurte à la difficulté d’accès à l’ORL et à l’interdiction d’exercer la profession d’audioprothésiste hors centre. Pour dépasser ces obstacles, les professeurs Christophe Vincent (ORL au CHU de Lille), François Puisieux (gérontologue au CHU de Lille) et l’audioprothésiste Christian Renard proposent une expérimentation basée sur l’article 51 de la LFSS 2018. Elle prévoit de mettre en place un parcours de soins pour les patients atteints de troubles auditifs en Ehpad, impliquant le personnel, l’entourage, les médecins (gériatres, généralistes, ORL), les audioprothésistes, les orthophonistes et les représentants des usagers. Son caractère innovant repose notamment sur l’usage de la télémédecine pour la prescription, l’intervention d’un audio en Ehpad et la création d’un poste infirmier qui sera le référent territorial du parcours. Au sein de chaque établissement, une organisation sera mise en place pour coordonner les interventions des professionnels externes et l’équipe soignante devra être formée au repérage des troubles auditifs. Elle aura aussi un rôle à chaque étape du parcours, notamment au début, par exemple pour la recherche d’éventuels bouchons de cérumen. Pour les résidents nécessitant une primo-prescription, l’expérimentation prévoit d’avoir recours à la télé-expertise locale. Ce projet a pour l’heure été détaillé dans une lettre d’intention et est actuellement entre les mains de l’ARS qui décidera de son éligibilité.