L’ingénieur du son, designer sonore et compositeur, Romaric Defrance et l’audioprothésiste Frédéric Rembaud se sont associés pour créer un système d’audiométrie en réalité virtuelle. Il ambitionne de rendre l’évaluation auditive non seulement ludique mais plus pertinente.
Les tests de repérage comme de diagnostic ne sont pas connus pour être amusants. La start-up Xenylab, fondée par Frédéric Rembaud et Romaric Defrance, sans actionnaire extérieur, arrive sur le marché avec un casque de réalité virtuelle qui pourrait bien changer la donne. Il a fallu environ 4 ans pour cheminer de l’idée au produit en passant par la preuve de concept et les prototypes.
Audiométrie virtualisée
L’ingénieur du son et designer menait depuis plusieurs années des recherches sur les possibilités offertes par la réalité virtuelle quand est arrivé le concours d’innovation Cahors Acoustique Vallée. Son projet n’a pas été retenu, mais lui a permis d’entrer en contact avec l’école d’audioprothèse et notamment son coordinateur pédagogique : Frédéric Rembaud, qui est aussi titulaire d’un MBA. Ensemble, ils sont partis d’un 1er système d’audiométrie en réalité virtuelle à 360 degrés, qu’ils ont affiné et qui est aujourd’hui breveté. Xenylab permet de réaliser des évaluations des troubles de l’audition, audiométries tonale et vocale, et d’IGLS (Indice de gêne de localisation spatiale), en passant par une solution de réalité virtuelle couplée à un casque audio calibré.
Les premiers prototypes ont été expérimentés en 2021, dans les écoles de Cahors, Lille et Nancy. C’est dans cette dernière université que l’utilisation du casque a ensuite pu être validée en chambre anéchoïque sur Kemar. Les concepteurs de Xenylab soulignent qu’il peut remplacer de façon fiable des tests de localisation en environnement 3D avec 7 haut-parleurs sur 180 degrés. La passation peut être complètement autonome ou pilotée par l’audioprothésiste.
Immersion et plaisir
Quand on positionne le casque de Xenylab sur ses yeux et ses oreilles, on se trouve plongé dans une grande pièce, qui ne crée ni claustrophobie ni vertige, et pourrait être la salle d’un observatoire ou une bibliothèque au design soigné. Pour passer une audiométrie, il faut classer des « boules d’énergies », en les saisissant à la main, selon qu’elles sont sonores ou non. Pour le test de localisation, à un autre endroit de la pièce, il s’agit de désigner la source du son à l’aide d’un faisceau lumineux. « Le côté expérientiel est très important pour nous, c’est pour cela que nous avons un artiste 3D dans l’équipe, explique Romaric Defrance. Pour l’instant nous avons développé une thématique Jules Verne, mais l’idée est d’avoir à terme plusieurs designs, pour correspondre au ressenti de ceux qui font l’expérience et aussi à un univers métier. L’intérêt de la réalité virtuelle, c’est qu’elle donne l’occasion de vivre un moment privilégié, qui va marquer la personne. »
« Dans le secteur des aides auditives, on parle beaucoup de dédramatiser, il s’agit aussi de ça, renchérit Frédéric Rembaud. Le fait que le test soit ludique donne plus envie de le passer, ce qui permettra d’obtenir plus de diagnostics, mais aussi, comme l’expérience est bien vécue, d’être une bonne base pour continuer vers un parcours de soins. » Les deux associés ont aussi trouvé, en testant Xenylab, un effet d’entraînement potentiellement lié à l’utilisation de la réalité virtuelle, qui laisse imaginer des applications du côté de la rééducation auditive et de l’amélioration de la compréhension dans le bruit…
Le casque fonctionne de façon autonome, en local. L’utilisateur peut ensuite récupérer les résultats sous forme de graphiques de données classiques, en passant par une page web. Le système n’enregistre que des expériences anonymisées. Le matériel est proposé à la location sur abonnement, avec une formation, car la convivialité de l’outil, pour le patient, nécessite un temps d’appropriation par le professionnel, précisent les concepteurs. Xenylab emploie actuellement un développeur à plein temps et un graphiste 3D à temps partiel.
1000 tests déjà réalisés
Dans l’immédiat, Xenylab arrive sur le marché, en tant que produit de différenciation pour les audioprothésistes ou, plus généralement, les professionnels qui proposent du dépistage auditif. Il ne se positionne pas comme un concurrent mais comme un complément de solutions existantes : l’utilisation de la réalité virtuelle peut venir en option, pour celles-ci, expliquent Frédéric Rembaud et Romaric Defrance. La start-up poursuit par ailleurs son processus d’exploration des possibles et de validation scientifique. Au 1er trimestre 2024, elle redémarre des mesures sur Kemar en chambre anéchoïque, avec aides auditives cette fois. Par ailleurs, Xenylab et le Centre de recherche cerveau et cognition (CerCo), unité mixte CNRS-université Paul-Sabatier de Toulouse, candidatent auprès de l’ARS pour la création d’un Labcom (laboratoire commun). Ce dernier va conduire un projet de recherche fondamentale sur les stratégies de compensation du déficit auditif, dans lesquelles Xenylab pourrait jouer un rôle. En ligne de mire de ces différents projets, il y a l’idée d’aller vers une certification CE médicale, dans les années qui viennent… Et pourquoi pas le développement, plus large, d’applications de réalité virtuelle dans le secteur de la santé.