Ouïe Magazine
Publié le 28/03/2024

 

Le 44e Congrès des audioprothésistes a été inauguré ce matin par Lionel Collet, président de la Haute autorité de santé (HAS), en présence de François Gernigon, député du Maine-et-Loire (Horizons). Dans leurs discours, l’un et l’autre ont témoigné de l’importance cruciale de l’audition dans les questions de santé publique.

Le président de la HAS et le député François Gernigon ouvrent le Congrès des audioprothésistes

Lionel Collet a coupé le ruban en tant qu’invité d’honneur, car la HAS, étant une autorité statutairement indépendante, il ne pouvait pas endosser le rôle de président d’une manifestation organisée par une organisation professionnelle. « Dans votre domaine, que je suis d’assez loin mais depuis une quarantaine d’années, vous avez une triple chance, a-t-il déclaré. Vous avez un formidable outil à votre disposition, les aides auditives numériques ont été une véritable innovation de rupture. Ensuite, les audioprothésistes diplômés ont le choix de leurs postes, avec un niveau de rémunération plus que satisfaisant. Enfin, vous avez bénéficié de la décision des pouvoirs publics avec le 100 % santé, qui a permis que, dans ce pays, les malentendants soient très largement appareillés. »

« La HAS et le monde de l’audio doivent s’irriguer mutuellement »

Du point de vue de la HAS, Lionel Collet a indiqué plusieurs points sur lesquels le secteur pourrait avancer. « Je pense qu’il serait bon qu’un industriel décide de sortir de la ligne générique (utilisée pour permettre la prise en charge des appareils par l’Assurance maladie, ndlr) pour demander à ce que son produit soit évalué en tant que tel, avec une évaluation clinique. Je n’ai aucun doute sur l’efficacité de l’appareillage. Ce n’est pas parce qu’une chose est vraie qu’il ne faut pas la démontrer ! Ensuite, si un jour les pouvoirs publics reposent la question de qui est autorisé à faire des audiométries, dans un but diagnostic, c’est la Haute autorité de santé qui y répondra. » Enfin, Lionel Collet a souligné qu’aussi étonnant que cela puisse paraitre, il n’y a pas de recommandation générale de la HAS sur l’appareillage auditif (elle travaille actuellement à celles concernant la prise en charge des acouphènes invalidants). « La question mériterait d’être posée : elle peut l’être par la HAS seule, ou par une société savante, qui pourrait élaborer des recommandations, ensuite soumises à l’homologation de la HAS. C’est une information que je vous donne. »

Le président de la HAS et le député François Gernigon ouvrent le Congrès des audioprothésistes

Lionel Collet, François Gernigon et Brice Jantzem.

Le député François Gernigon a ensuite pris la parole pour témoigner de son parcours personnel. Frappé de surdité brusque à 38 ans, on lui a diagnostiqué un neurinome, qui a été traité par laser 3 ans plus tard. Sa perte auditive, à 70 %, s’est encore dégradée à la suite de son élection à l’Assemblée nationale, tant le niveau sonore dans l’hémicycle peut être élevé. François Gernigon a aussi tenté de se faire appareiller il y a une vingtaine d’années, mais il n’a pas supporté le port des aides auditives, à l’époque. Souffrant d’acouphènes, il a raconté avoir été très soulagé durant les confinements liés à la pandémie de Covid en 2020. Il a salué un secteur en « pleine mutation » et sa « montée en puissance » ainsi que le « pas de géant » permis par le 100 % santé. Il s’est aussi inquiété de la recrudescence de la fraude. Il juge souhaitable d’établir un cadre pour la profession afin de garantir la qualité des prises en charge et l’intégrité des professionnels. Il a estimé que l’idée de création d’un Ordre faisait l’objet d’un large accord et s’est prononcé en faveur du partage des tâches, de la part des ORL. « En prenant en charge les bilans auditifs, les audioprothésistes pourraient libérer du temps médical précieux, a-t-il précisé. Ce n’est pas qu’une question d’efficacité, mais aussi de qualité de soins. Cela peut jouer rôle actif pour éviter une dégradation par une prise en charge plus rapide des problèmes auditifs. On est encore loin du compte quant au préventif ! 74 ans d’âge moyen pour un premier appareillage, c’est trop tard, vous me le dites, je le partage, on doit pouvoir faire mieux. » Convaincu qu’il faut mettre à jour les programmes de formation pour garantir la qualité du travail des professionnels, le député a déposé tout récemment une question écrite sur ce sujet, à l’adresse du gouvernement. « J’espère avoir une réponse rapide », a-t-il conclu.

Pour clore ces prises de parole, Brice Jantzem, président du Syndicat des audioprothésistes, est revenu sur toutes les notions fondamentales pour la profession : le retour sur investissement, en termes de dépenses publiques, de l’investissement dans les soins auditifs (37 dollars pour 1 investi selon l’OMS) ; la prévention du déclin cognitif ; la prévalence des troubles auditifs (8 millions de Français concernés, à horizon 2030) ; le fait que l’efficacité prothétique est opérateur dépendant… Il a rappelé les propositions du SDA pour lutter contre la montée de la fraude dans le secteur : lier les remboursements à l’audioprothésiste et non à l’établissement qui l’emploie et limiter la possibilité de facturer à l’audio lui-même. Le SDA souhaite un décret de compétences précisant les actes réservés aux diplômés. Il aimerait également que la dérogation actuelle permettant la publicité pour les appareils auditifs soit supprimée. Brice Jantzem souhaite l’adoption par les pouvoirs publics d’« une stratégie pluriannuelle sur l’audition intégrée à la stratégie pluriannuelle de santé » ainsi qu’une promotion du dépistage pour pouvoir agir tôt contre la perte d’autonomie.

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