Ouïe Magazine

 
Publié le 13/03/2025

Au cours de sa matinée de lancement de la JNA, au ministère de la Santé, l’Association nationale de l’audition a creusé la question des freins à la prévention : qu’est-ce qui empêche les messages de passer ? Pourquoi la santé auditive n’est-elle pas mieux intégrée aux politiques de santé publique ?

Pourquoi l’audition est-elle insuffisamment prise en compte dans les programmes de prévention ? Lison Meyer, en Master 2 de Santé publique, prévention et promotion de la santé à Lyon, actuellement chargée de mission à l’ANA, a expliqué que les politiques, dans ce champ, ont pour 1er axe stratégique l’augmentation de l’espérance de vie. Dans l’esprit des décideurs, l’audition n’en fait pas partie au premier abord. Ensuite, l’approche des surdités en santé publique est avant tout « curative » et très peu préventive. C’est dans une logique de « compensation » de la perte auditive que le 100 % santé a été adopté en 2021. Enfin, dans les représentations historiquement ancrées, les surdités ont été associées à l’inaptitude (cf. l’image du « sourd et muet »). Pour toutes ces raisons, l’audition n’est pas vue comme un « essentiel de santé ».

Pour dépasser ces obstacles, l’Association nationale de l’audition milite pour un nouveau cercle vertueux, partant de la définition de l’audition comme un déterminant de santé, passant par la mise en place d’une vigilance sanitaire, une évaluation systématique de l’audition dans les prises en charge médicales, et avec pour but de replacer le patient au centre (en appliquant vraiment la loi sur le handicap de 2005, notamment).

Maîtresse de conférences en économie de la santé, Laurence Hartmann a présenté quelques grandes données de cadrage sur les leviers d’action, déterminants de santé et populations cibles. Une étude de cohorte américaine a montré une sur-représentation du déficit auditif (chez les seniors) : chez les hommes, au niveau éducatif plus bas que la moyenne, avec des revenus proches du seuil de pauvreté, ayant moins accès au système de santé et ayant subi plus d’exposition sonore que la population générale. La littératie – c’est-à-dire l’aptitude à lire, à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie quotidienne – est aussi de plus en plus regardée : une faible littératie est associée à une plus forte probabilité de souffrir de pertes auditives et d’avoir recours aux appareils. Pour agir sur ces déterminants, il faut mieux connaître la magnitude et les interactions, souvent complexes, afin de bien identifier les groupes de population qui cumulent les facteurs de risques et compenser les inégalités de santé.

« Certains jeunes gens ne savent pas qu’ils s’exposent à des problèmes futurs de pertes auditives du fait de cette exposition permanente à des musiques fortes, aux jeux vidéo ou à d’autres sources sonores, à ce bruit permanent qui va dégrader leur état de santé. »

Laurence Hartmann

De nouvelles données sur les liens audition-santé globale

L’analyse des données issues des rendez-vous de prévention Agirc-Arrco (pour les bénéficiaires de la caisse de retraite complémentaire et leurs conjoints à partir de 50 ans) permet d’étayer les liens entre audition et santé en général.

Lire notre article sur les 1ers enseignements issus de ces données :
1 actif sur 2 appareillable ne l’est pas.

Quels sont les obstacles à la prévention en santé auditive ?

Jean-Charles Ceccato, maître de conférences en audioprothèse à l’université de Montpellier et vice-président de l’ANA, et Robin Guillard, chercheur en neurosciences, ont utilisé un échantillon de 51 000 personnes ayant bénéficié de ces rendez-vous de prévention (intégrant systématiquement une audiométrie) pour regarder les corrélations entre le déficit auditif et d’autres pathologies. Voici ce qui en ressort.

– Les personnes ayant un déficit auditif ont 90 % de risque de plus que les autres de faire état d’une « plainte mnésique » (difficultés de mémoire). Ce n’est pas une découverte, mais une confirmation. Plus nouveau, dans cette revue de données, les pertes sur les fréquences graves (500 Hz) sont associées à des scores cognitifs plus bas.

Quels sont les obstacles à la prévention en santé auditive ?– Les acouphènes sont statistiquement liés à l’hypertension (77 % de risque d’une suspicion d’hypertension orthostatique pour les acouphéniques) : une observation en ligne avec la littérature scientifique.

– Les liens entre audition et vertiges : les personnes souffrant d’acouphènes ont 174 % de risque supplémentaire de rapporter des vertiges et 74 % de sur-risque d’exprimer un sentiment d’instabilité. Là encore, ces données observationnelles sont cohérentes avec la littérature.

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