Stéphane Bardet, président d’Audition Conseil a présenté, le 20 mars, une analyse a posteriori de l’étude prospective qu’il avait dévoilée en 2023 (à retrouver ici). Les anticipations se sont-elles révélées exactes ? Et que nous apprennent-elles pour l’avenir ?
Des évolutions prévisibles
Stéphane Bardet a commencé par appuyer une prévision de 2022 qui s’est révélée exacte : la mise en œuvre d’un cycle, allant de la demande soutenue en 2022 à une contraction en 2023-2024 et un rebond en 2025-2026. Ce dernier n’est pas encore tangible, mais la remontée des ventes sell in en 2024 en est un signe. « Si les 2 premiers mois de 2025 montrent une croissance nulle, l’ensemble des fabricants et certains distributeurs continue à prévoir une croissance en volume de + 4 à + 4,5 % sur 2025 et 2026 », a précisé Stéphane Bardet. Il a alors indiqué qu’on pouvait s’attendre à une croissance en volume de 2,1 % par an en moyenne entre 2022 et 2026 (avec un renouvellement du parc d’appareils de plus de 4 ans de 45 % chaque année et des remplacements anticipés pour casse ou perte, de 5 % par an). Selon ces hypothèses, entre 1,727 et 1,823 million d’appareils pourraient être vendus sur le marché français en 2026, contre 1,583 million l’an dernier.
Un statut quo
D’autres prévisions ne se sont pas réalisées. Les prix limites de vente sont restés inchangés. La classe I, qui avait été estimée à 38 % du marché, est aujourd’hui plus proche de 34 %. Et le prix moyen de vente est en progression, de 1 315 à 1 346 euros, après la baisse observée à proximité immédiate de la réforme 100 % santé. A ce sujet, Stéphane Bardet a indiqué plusieurs arguments, portés par la profession, en défaveur d’une baisse du PLV de la classe I, telle que prévue dans l’accord initial sur le 100 % santé. A 34 % des ventes, la classe I est très au-dessus de l’objectif des 20 % initialement fixé par le ministère de la Santé. Depuis, le renchérissement des prix de l’énergie pèse plus sur l’équilibre économique de centres auditifs. Et, si elle ne s’accompagnait pas d’une mesure contraignante pour les Ocam – comme l’obligation de rembourser la classe II au même niveau que la classe I – une baisse du PLV serait « un cadeau » pour les complémentaires santé.
Des incohérences à décrypter
Autre sujet qui n’avait pas été anticipé précisément : l’ampleur de la fraude, sous ses différentes formes. Les sommes concernées sont telles qu’elles créent un biais (bientôt résorbé, espère-t-on) dans l’analyse des chiffres. Stéphane Bardet, s’appuyant sur les données de la Cnam, a estimé les remboursements illégaux à 34 millions d’euros. Il y a 20 % de dossiers litigieux selon les Ocam. Et pour les fabricants, la fraude peut représenter 6 à 10 % de leurs volumes. Mais, de façon contre-intuitive, le décalage entre les volumes déclarés par les fabricants et les remboursements par l’Assurance maladie sont en décalage inverse (ventes sell in en hausse, remboursements en baisse sur 2024). Stéphane Bardet a énuméré les très nombreux facteurs qui concourent à cet écart, en plus des 30 jours d’essai : les ventes transfrontalières, les patients qui s’équipent sans se faire rembourser (habitant à l’étranger, renouvellements avant 4 ans), les offres commerciales (4 appareils vendus pour 2 remboursés), les pertes et assurances, les changements de méthodologie des industriels (dépôt vs ferme), des variations de stock de 3 à 4 mois sur certains grands groupes et pour les créations, ainsi que des mouvements de stock en fin d’année (fabricants et leurs réseaux de distribution)…
Dans les données du SNDS : 1 415 351 aides auditives ont été remboursées en 2024, – 3,15 % par rapport à 2023.
Diminution du nombre d’ORL, augmentation du nombre de centres
Concernant les ordonnances, le cabinet mandaté par Stéphane Bardet en 2022 avait estimé que la diminution du nombre d’ORL n’aurait pas d’impact à moyen terme. Il a été observé que la part des ORL dans les prescriptions avait baissé : 59 % en 2024 contre 65 % en 2021. Cette évolution fait évidemment suite à la fin de la primo-prescription par les généralistes non-formés en otologie.
Pour finir, du côté de la distribution, une forte augmentation du nombre de centres s’est produite, de près de 6 400 à près de 8 000, sans réduire le caractère fragmenté du marché – comme cela avait été anticipé. Grands réseaux, appartenant à des industriels ou non, optique-audio, indépendants, discounters… Ces différents modèles perdurent, par-delà les rachats. Citant les chiffres de l’Annuaire de l’audition, Stéphane Bardet a souligné que les fermetures avaient été plus fréquentes en 2024 : au moins 200 centres concernés.