Contrairement aux syndicats d’opticiens et de dentistes, le Syndicat national des audioprothésistes n’entre pas en guerre contre l’article 45 du PLFSS 2014 qui, à ce jour, prévoit de fixer un plancher et un plafond de remboursement de certaines dépenses de santé dans le cadre des contrats responsables. Les explications de son président Luis Godinho, qui réaffirme en outre sa réserve vis-à-vis des réseaux de soins.
L’audioprothèse n’est pas nommément citée par l’article 45 du PLFSS. Est-elle quand même concernée ?
Luis Godinho : Même si, contrairement aux soins dentaires et aux équipements optiques, les audioprothèses ne sont pas citées expressément, elles sont bien sûr visées par cette mesure, qui inclut «certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement.» Car il y a en effet une vraie question sur le reste à charge de ces produits.
Les pouvoirs publics (Cour des comptes, gouvernement…) misent sur les réseaux de soins pour faire baisser ce reste à charge. Cela vous paraît-il pertinent ?
L.G. : Clairement non. Les réseaux ne sont pas la solution, pour plusieurs raisons. Parmi les trois secteurs mentionnés par la proposition de loi Le Roux – optique, dentaire, audioprothèse – comme pouvant faire l’objet de clauses tarifaires dans le cadre des réseaux, l’audio est le plus «opérateur-dépendant» : le professionnalisme, la qualité du suivi et même le charisme de l’audioprothésiste interviennent pour une part essentielle dans la réussite d’un appareillage. Dans notre secteur, il n’est pas logique de laisser se créer de nombreux et coûteux réseaux. Cela risquerait d’entraîner une évolution comparable à celle de l’optique, avec une hausse des prix sur fond de concurrence inter-réseaux. Il y en a déjà six à ce jour. Par ailleurs, la part des Ocam dans la prise en charge des aides auditives est très mince : ces produits représentent moins de 1 % des sommes remboursées par les complémentaires santé, contre 15 % pour l’optique et 16 % pour le dentaire. Car il semble que l’audioprothèse ne soit pas un bon argument marketing pour la vente de contrats de garanties santé… Au vu de la faiblesse des montants remboursés par les Ocam sur les aides auditives, quelle est leur légitimité pour réguler le secteur ? D’autant plus que notre clientèle se compose majoritairement de retraités médiocrement couverts par des contrats individuels peu rattachés à des réseaux. Développer ces derniers accroîtrait encore les inégalités d’aujourd’hui, notamment celles entre contrats collectifs et individuels.
Vous reconnaissez et soulignez cette question du reste à charge. Que préconisez-vous donc pour y remédier ?
L.G. : Ce que nous proposons, c’est inscrire dans la PPL Le Roux un conventionnement national avec l’Assurance Maladie et l’Unocam (Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie) pour la prise en charge de l’audioprothèse et des prestations qui l’accompagnent. Un consensus devra s’établir entre les solutions d’entrée de gamme à 850 euros et le prix moyen du marché à 1 500 euros. Avec une telle borne, tous les acteurs – Assurance maladie, complémentaires santé et audioprothésistes – pourraient participer à l’effort de baisse du reste à charge, pour une prise en charge universelle, plus égalitaire et plus solidaire. Cette solution laisse la possibilité que des produits plus coûteux soient acquis aux frais des patients.
Votre proposition ressemble de près à la mesure prévue par l’article 45 du PLFSS, qui d’ailleurs n’a pas soulevé chez les audioprothésistes les mêmes réprobations que chez les opticiens ou les dentistes…
L.G. : Cette piste nous paraît en effet extrêmement intéressante. Les aides auditives sont très mal remboursées dans notre pays : en cumulant les prises en charge de l’Assurance maladie et de leur complémentaire maladie, les Français totalisent à peine 450 à 500 euros, soit moins que les seuls remboursements publics d’autres pays limitrophes, comme l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie. Ainsi, fixer un plancher et un plafond de prise en charge incitera les complémentaires santé à proposer des remboursements qui permettront au moins l’acquisition d’une solution d’entrée de gamme avec un faible reste à charge. Avec l’association d’un plancher, d’un plafond et d’un conventionnement national à côté des prix libres, chacun fera sa part pour une meilleure accessibilité à l’appareillage auditif.
Quel pourrait être ce niveau plancher de remboursement ?
L.G. : Nous sommes en train de négocier une revalorisation du tarif CMU-C. Nous avons proposé 850 euros par appareil pour les deux oreilles. Si on obtenait une valeur proche de cette somme, celle-ci pourrait devenir le remboursement plancher en audio dans les contrats responsables et pourrait aussi devenir le tarif opposable pour les bénéficiaires de l’ACS (Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé).
Et le remboursement plafond ?
L.G. : Ce n’est pas à nous seuls de le situer. Celui-ci doit être fixé en concertation avec les pouvoirs publics et les complémentaires santé.
Ne craignez-vous pas, comme les opticiens, que la mise en œuvre de cette mesure tire la qualité des équipements vers le bas ?
L.G. : Non, car de toute façon, en audio, nous n’avons pas ce problème de mauvaise qualité des produits. Tous sont normés et achetés à nos fabricants habituels. La situation n’est pas comparable à l’optique. Par ailleurs, cette proposition devra co-exister avec des prix libres : il n’est pas question que ceux qui souhaitent les produits les plus haut de gamme ne puissent pas les acquérir.