« On ne va pas mettre un panneau en plexiglas entre nos patients et nous », affirme l’audioprothésiste, installé dans la région de Montpellier. L’Ouïe Magazine y fait étape dans le cadre de ses échanges avec des audioprothésistes confinés. Damien Passerat partage avec vous sa réflexion et ses initiatives sur les protocoles d’hygiène à mettre en place pour la reprise.
Damien Passerat a ouvert il y a 7 ans son premier centre, puis a développé des corners, devenus ensuite des laboratoires exclusifs. Il gère aujourd’hui 4 « Audition Détente » à Montpellier et dans les communes avoisinantes. Il est associé avec deux autres audioprothésistes, qui dirigent 1 centre « Audition pour tous 34 » dans l’Hérault et 4 centres « Audio Millau » dans l’Aveyron.
Une patientèle qui ne réalise pas vraiment
D’une nature optimiste, l’audioprothésiste n’avait pas vu venir la crise sanitaire, mais a pris les mesures de fermeture qui s’imposaient, pour ses deux collaborateurs audioprothésistes et les deux assistantes : « les patients continuaient naïvement à vouloir venir ! Il y a encore quelques jours, un monsieur voyant que j’étais dans le centre a voulu entrer, comme avant… La patientèle âgée ne réalise pas trop ce qui se passe. » Damien Passerat effectue à peu près 3 permanences par semaine, il reçoit encore des appels de patients qui veulent savoir si leur rendez-vous est maintenu, il doit expliquer qu’un nettoyage ne rentre pas dans les cas d’urgence… Il constate aussi que les personnes âgées qui n’entendent plus bien au téléphone sont très vite perturbées car c’est leur principal lien avec l’extérieur. Avant de se procurer le matériel de protection adéquat, l’audio a tenu ses permanences avec des masques de chantier et des gants de jardinage : « ayant un point d’eau dans mes centres, le gel hydroalcoolique n’a pas été une difficulté, car bien se laver les mains est ce qu’il y a de plus efficace contre le virus ». En relation avec les pharmacies de sa zone, il les a dépannées en piles afin que les patients ne se retrouvent pas sans solution.
Des enfants et des projets
Le rythme de l’audioprothésiste a été bouleversé par le confinement, bien sûr, mais surtout par la réorganisation de la vie familiale : « ce qui me prend le plus de temps actuellement, ce sont mes enfants de 4 et 12 ans. On a modifié nos horaires de travail : tôt le matin, pendant le temps calme de l’après-midi et le soir ». Malgré tout, il fait des réunions en télétravail avec ses associés, pour évoquer les questions qu’ils n’ont pas le temps de traiter au quotidien : « l’amélioration de nos process, la gestion des rendez-vous… Nous nous posons actuellement la question de notre positionnement : jusqu’à présent nous faisions tout, les appareillages pour les personnes ayant de toutes petites retraites comme le haut de gamme. Nous nous sommes développés sur la proximité, la disponibilité, le bouche à oreille… Est-ce qu’on va pouvoir continuer suivant le même modèle ? » Après un mois de confinement, l’audioprothésiste est déjà dans l’après : « si l’on repart dans la même dynamique que lorsqu’on s’est arrêté, ce sera génial, mais c’est peu probable. Certains projets qui nécessitent un investissement devront potentiellement être reportés ».
Penser la sortie de confinement en s’appuyant sur l’économie locale
Maintenant qu’une date de déconfinement est envisagée, il se projette dans la réouverture. « Le 11 mai me paraît cohérent, les échanges que j’ai eus avec mes partenaires indiquent qu’ils se tiendront prêts à redémarrer. Je réfléchis au protocole d’hygiène que nous allons mettre en place. Nous aurons un système de double masque : un pour nous, un pour le patient. Je pense que nous leur en fournirons un en tissu, qu’on leur donnera ou qu’on lavera au fur et à mesure. Dans ma vision des choses, il faut tenir compte de l’impact écologique de l’utilisation de masques jetables au long cours. Et je trouve sympa de faire travailler les couturières autour de chez moi, dans mon village. » Parmi les autres mesures barrières, l’audio liste le fait de ne pas avoir plusieurs personnes en salle d’attente et de prendre des rendez-vous plus longs : à la fois pour éviter que les gens se croisent et pour avoir le temps de nettoyer les poignées de portes, les sièges, les instruments entre chaque patient… Damien Passerat attend aussi les recommandations de la Centrale des audioprothésistes, dont il est adhérent, avant de fixer complètement ses protocoles. « Je pense qu’on va changer de façon de vivre, on aura moins de contacts, on serrera moins de mains… Cependant, nous sommes obligés de toucher les gens, d’avoir une certaine proximité : cela fait partie de notre métier, on ne va pas mettre un panneau en plexiglas entre eux et nous ! »
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