Sourd ou malentendant ? Compensation ou réhabilitation ? Une étude publiée aujourd’hui par La Fondation pour l’audition analyse les termes utilisés pour parler des surdités et les effets qu’ils ont sur les personnes sourdes et malentendantes, selon leur profil.
L’étude qualitative commandée par la Fondation pour l’audition au cabinet d’études Elabe adopte une démarche assez inédite : les parcours de personnes sourdes et malentendantes, les témoignages de leurs proches mais aussi de professionnels et de représentants associatifs*, ont été analysés avec les outils des sciences du langage. Les principaux résultats de ce travail ont été présentés ce matin lors d’une conférence virtuelle animée par Denis Le Squer, directeur général de la Fondation, Laurence Bedeau, associée au cabinet Elabe et Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Rendre visibles les surdités
A partir des paroles recueillies, les analystes ont identifiés 4 étapes-clés que connaissent plus ou moins toutes les personnes atteintes d’une perte d’audition (choc du diagnostic, choix du projet linguistique, mise en œuvre et « combat acharné » pour surmonter les difficultés) ainsi que 3 profils, en fonction de leurs trajectoires de vie : choix de la LSF et de la culture sourde, communication oralisée ou « santé auditive ». Dans cette dernière catégorie, les personnes adoptent généralement le point de vue des professionnels de l’audition qui voient la surdité comme un déficit à compenser. L’objectif de l’étude, pour la Fondation, est d’apporter des outils pour une meilleure connaissance et compréhension des surdités, de contribuer à déstigmatiser les personnes et à visibiliser les enjeux, s’agissant d’un déficit souvent caché voire tabou. Incidemment, elle peut aider les professionnels à mieux se positionner auprès des patients et de leurs proches. A ce sujet, les témoignages des personnes sourdes ou malentendantes pointent un discours médical souvent peu empathique, froid et distant. Parallèlement, les audioprothésistes, avant tout vus comme des techniciens, n’essuient pas les mêmes critiques.
Mots qui divisent vs mots qui fédèrent
Comment parler des surdités sans blesser ? Selon l’étude, tout dépend du parcours de la personne que l’on a en face de soi. Celles qui ont fait le choix de la LSF se reconnaissent généralement dans une identité sourde et préfèrent ce mot à celui de malentendant, plus flou. C’est à peu près l’inverse pour les personnes qui sont dans une communication orale et/ou qui sont devenues sourdes. En revanche, le rejet de mots tels que « handicapé », « déficience », « déficient », « réparation » ou « réhabilitation » (envisagé comme trop mécaniste) fait consensus. Leur sont préférés des termes moins définitifs ou moins négatifs comme « pertes auditives », « restes auditifs », « compensation ». Le mot « handicap », enfin, est toujours vu comme stigmatisant sauf dans le contexte administratif : aides financières, normes légales, etc. En revanche, les notions d’« accessibilité », d’« inclusion » ou de « visibilité » sont toutes favorablement accueillies.
Souhaitant lever les difficultés de dialogue entre les personnes sourdes elles-mêmes et avec les entendants, la Fondation pour l’Audition a tiré de cette analyse sémantique une feuille de route, qui se décline en 5 axes autour de l’accès : à l’emploi, à la santé, à l’éducation et aux études, à l’information et la culture, et aux métiers de l’accessibilité.