Au cours de la table ronde de la Semaine du son consacrée au 100 % santé, les professeurs Lionel Collet et Bernard Fraysse ont livré leur lecture prospective des facteurs de réussite de cette réforme.
Compétences renforcées et déontologie encadrée pour les audios
Faisant suite aux chiffres 2020 exposés par Franck Van Lennep (voir notre précédent article), directeur général de la Sécurité sociale, le Pr. Lionel Collet, conseiller d’état, a qualifié le 100 % santé d’« avancée extraordinaire » et s’est réjoui du lancement d’une mission de l’Igas sur la filière auditive, fondamentale, selon lui, pour prendre un recul suffisant. Il identifie la nécessité « d’accroitre l’offre de prescription de prothèses auditives, par des prescripteurs compétents. Il faut donc que les mesures de formation des médecins généralistes soient mises en œuvre très rapidement ». Le rôle de l’audioprothésiste est central car il a la responsabilité du choix des aides auditives (en classe I et en classe II) et que la réussite de l’appareillage est opérateur dépendante. Lionel Collet juge donc que le succès de la réforme passe par un renforcement des compétences non seulement des prescripteurs, mais aussi des audios. Sur les questions de formation, le conseiller d’Etat a cité plusieurs pistes de réflexion : le diplôme en 3 ans est-il toujours adapté aux évolutions qui ont eu lieu ces 20 dernières années ? Tout audioprothésiste doit-il être habilité à faire des réglages pour les enfants ?
Autre condition nécessaire à la réussite du 100 % santé, selon Lionel Collet : donner un cadre réglementaire à la déontologie des audioprothésistes sachant qu’il n’existe pour l’heure ni ordre, ni règles professionnelles inscrites dans le Code de la santé publique. « Le Syndicat des audioprothésistes a beaucoup travaillé sur la rédaction de règles professionnelles, il est important que cela devienne un décret et que cela s’inscrive en dur », a-t-il affirmé. Pour rappel, le SDA a publié en 2020 le 1er recueil de bonnes pratiques en audioprothèse. S’il n’est pas question d’interdire la publicité, il est indispensable de l’encadrer dès lors qu’une partie des aides auditives sont intégralement prises en charge par l’AMO et les Ocam, a conclu le professeur.
Améliorer l’accessibilité par un dépistage systématique
Bernard Fraysse, président de la Société mondiale d’ORL, a ancré sa réflexion dans les comparaisons internationales, mentionnant notamment la décision américaine de favoriser l’accessibilité en permettant la délivrance d’appareils équivalents à la classe I dans la grande distribution et le modèle anglais dans lequel les filières de soin sont organisées en fonction des pathologies. Pour le Pr. Fraysse, le succès de la réforme en France, passe d’abord par un dépistage systématique de la surdité chez les adultes (sachant que le déficit auditif est le 1er facteur modifiable en milieu de vie pour prévenir la démence). Ces repérages pilotés par Santé publique France devraient donc être menés, selon lui, à 45 ans puis à l’âge de la pré-retraite. Le Pr. Fraysse estime qu’il y aurait un sens à organiser le parcours de soins par pathologies : « il ne serait pas gênant que le généraliste voie en premier les presbyacousiques (surdités symétriques, bilatérales, sans pathologie associée, sans vertige, sans otite chronique), pour favoriser l’accessibilité, si les pathologies graves, sérieuses, précoces, étaient vues plus rapidement par le spécialiste ». Il considère enfin qu’il faut changer le message « pour ne plus demander ce que coûte la prise en charge mais ce qu’elle rapporte ».