La 2e table ronde de la matinée politique du Congrès des audioprothésistes était consacrée à la question : “Quelles évolutions pour la profession après la mission Igas-IGESR et une année de 100 % santé ?”.
Les inspecteurs Louis-Charles Viossat et Pierre Mainguy, inspecteurs de l’Igas, ont rappelé que leur rapport avait pour objectif de dresser la photographie la plus objective, neutre et complète, au 2e et 3e trimestre 2021 du secteur. Les principales recommandations, partent du constat d’un impact quantitatif majeur du 100 % santé, mais d’une incertitude concernant les impacts qualitatifs au regard de certaines pratiques ou dérives, d’où les propositions formulées par la mission en matière de suivi, d’observance, de contrôle… Amaury Fléges, inspecteur IGÉSR, a souligné le consensus sur l’urgence de la réingénierie du diplôme : la reconnaissance du grade licence, qui permettra de fonder une véritable filière universitaire (c’est la fameuse « universitarisation ») et de créer des masters de spécialisation. Parmi les points essentiels, la réorganisation des stages, afin qu’ils ne soient plus tous positionnés sur les mêmes périodes, apparaît comme une nécessité, surtout si l’on souhaite augmenter le nombre d’audioprothésistes en formation.
Faut-il former plus d’audioprothésistes ?
Amaury Fléges a jugé qu’on avait déjà assisté à « une augmentation considérable » du nombre d’étudiants entre 2015 et 2021 (quotas passés de 199 à 298), mais que cette « augmentation très forte des capacités de formation nous est apparue insuffisante dans le contexte du 100 % santé ».
Pour Matthieu Del Rio, nous sommes passés d’une période « un peu hystérique » à une approche « plus raisonnable » des quotas. Il met de nouveau en garde contre les effets d’aubaine induits par la réforme et certaines pratiques « qui ne sont pas tolérables ». Selon le président du Collège national d’audioprothèse, 394 centres ont ouvert l’année dernière. Et, au rythme actuel, les personnes formées en distanciel en Espagne pourraient bientôt constituer 2/5e des nouveaux audioprothésistes exerçant en France : « on est déjà largement au-dessus des recommandations du rapport ! » quant à l’augmentation des quotas, a-t-il averti.
Luis Godinho a affirmé redouter que « sans régulation territoriale » une augmentation des quotas pourrait aggraver le problème : renforcer le maillage dans les grandes villes sans combler les zones insuffisamment couvertes. Selon les données internationales, si l’on croise le taux de concentration des centres auditifs et le taux de satisfaction des patients : les pays où la consolidation est la moins avancée sont aussi ceux où le taux de satisfaction est le plus élevé.
Faut-il interdire la publicité ?
Saluant un rapport « très complet et très concret » et des propositions « prêtes à l’emploi », Richard Darmon, président du Synea, a regretté que « beaucoup de recommandation tournent autour du contrôle, donnant l’impression qu’il y a un manque de confiance par rapport à la profession », alors même que le taux de satisfaction français démontre la qualité du travail des audios tricolores.
« Il faut faire la distinction entre des mauvaises pratiques voire des pratiques frauduleuses et l’immense majorité des professionnels, dont on doit reconnaître la qualité et l’engagement. Concernant les premières, il faut être sans concession, sans état d’âme : ce ne sont pas des professionnels, ce sont des escrocs. Par ailleurs, il nous manque des indicateurs pour montrer la qualité du travail et des audioprothésistes et mesurer l’observance. »
Richard Darmon, président du Synea
Selon Luis Godinho, le récent scandale Orpea, a permis une « prise de conscience que rien n’échappe à la marchandisation, pas même les soins aux plus âgés ». Il a redit que des indices de surappareillage se manifestent, directement liés selon lui aux publicités commerciales.
« Nous avons cherché une voie moyenne, nous avons voulu retenir le maximum de choses, en écartant les propositions les plus conflictuelles », a expliqué Louis-Charles Viossat, mentionnant, par exemple la création d’une profession intermédiaire d’audiologistes en France, le découplage… Mais aussi la création d’un Ordre, à laquelle l’administration n’était pas favorable. « Concernant les pratiques promotionnelles, nous avons essayé d’être le plus neutre possible en constatant qu’il y avait des positions très divergentes, et en essayant de partir de l’état du droit qui, au niveau européen, va dans le sens de plus de communication… Il est possible d’agir, exemple, l’ANSM pourrait jouer un rôle plus actif dans le contrôle a posteriori de la promotion sur les produits de santé, il y a une possibilité d’un autocontrôle de la profession… »
Favorable à cette dernière approche, Richard Darmon s’est déclaré « convaincu que la publicité a eu un apport plutôt positif quand l’audioprothèse était peu connue et le stigma était fort ; il reste des besoins de communication : on sait que l’information sur la réforme est insuffisante, il faut que les acteurs jouent leur rôle sur ce plan, mais qu’il y ait un cadre évidemment, car nous parlons de produits de santé, de patients âgés fragiles ». Rejoignant partiellement cette position, Matthieu Del Rio a rappelé que le CNA est favorable à l’encadrement de la publicité plus qu’à son interdiction.
Consensus sur les bonnes pratiques et la mesure de l’observance
La proposition de la mission Igas-IGÉSR d’adopter un décret fixant les bonnes pratiques, telles que négociées au sein de la profession, est globalement bien accueillie par les représentants des audioprothésistes. Ils sont également tombés d’accord sur la nécessité de démontrer la matérialité du suivi et de mesurer l’observance. A ce propos, « nous pensons que les questionnaires, qui doivent être mis en place par les pouvoirs pourraient être un 1er moyen extrêmement simple, faisable », a affirmé Luis Godinho. La simplicité du questionnaire est cependant une condition sine qua non de sa pertinence.