Les effets de la perte auditive et du traitement par les appareils sur la perception des sons naturels ont été peu étudiés jusqu’à présent. Cette étude française publiée dans l’American Journal of Audiology fait donc date.
Cette publication récente (fin mars 2025) est signée par les chercheurs Frédéric Apoux et Christian Lorenzi, du Laboratoire des systèmes perceptifs à l’École normale supérieure, par les audioprothésistes Stéphane Laurent, président d’honneur du CNA et Stéphane Gallégo, vice-président du SDA, par Dina Lelic, chercheuse principale chez WSA (Danemark) et Brian Moore de l’université de Cambridge, qu’on ne présente plus. Leur étude avait pour objectif de comprendre les impacts du déficit auditif et des appareils sur la perception des sons naturels par le patient. La méthodologie a consisté à interroger 301 audioprothésistes pour obtenir un aperçu global des expériences des personnes appareillées. L’ancienneté moyenne des professionnels était de 15 ans et ils étaient présents dans 95 départements métropolitains.
Jusqu’à présent, la recherche s’est beaucoup concentrée sur les enjeux de communication et la perception de la parole par les personnes appareillées. Mais, de plus en plus, on s’interroge sur leur capacité à entendre, fut-ce résiduellement, les sons de la nature, qu’il s’agisse de bruits animaux non-humains (oiseaux, insectes…), environnementaux ou météorologiques (vent, pluie, bruissements, etc.), dans divers milieux.
Les participants professionnels ont répondu à un questionnaire rétrospectif qui portait sur la précision dans la perception des sons naturels, rapportée par leurs patients, ainsi que l’importance de les entendre et le plaisir ressenti à cette occasion, avant et après l’appareillage.
Avant la mise en place des aides auditives, un tout petit nombre d’audioprothésistes (7 %) a déclaré que tous ou presque tous leurs patients étaient capables d’entendre les sons environnementaux. Cette proportion est passée à 45 % après appareillage. De même, selon les professionnels, la précision de la perception de ces sons était nettement améliorée par les aides auditives. Mais le quart d’entre eux a aussi rapporté que leurs patients connaissaient une déformation des sons naturels avec leurs appareils.
Pour la plupart des patients, la mise à disposition d’aides auditives améliore la capacité à reconnaître les sons naturels, mais aussi améliore (dans les mêmes proportions) leur satisfaction à cet égard.
Les réponses des audios ont aussi montré une hausse du nombre de patients se référant aux sons naturels comme agréables, après avoir été équipés… Mais la part de personnes exprimant des perceptions désagréables, quoique beaucoup plus faible, a aussi augmenté.
Les patients des zones rurales isolées accordaient plus d’importance à l’écoute des sons naturels que les autres, avec ou sans appareils (graph ci-contre).
Le principal résultat de l’étude, selon ses auteurs, est « l’augmentation spectaculaire des références aux sons naturels (dans les déclarations des patients, ndlr) et l’importance de les entendre après la mise en place d’un appareil auditif ». Cela suggère que les professionnels de l’audition, mais aussi les industriels, devraient en tenir compte. Les chercheurs estiment aussi qu’il faudra questionner les algorithmes couramment utilisés pour améliorer l’intelligibilité (ou les classificateurs d’environnements) : causent-ils des déformations dans la perception des sons de la nature ?
« Cette enquête doit être considérée comme une étude pilote, qui devra être prolongée pour évaluer directement les opinions des personnes malentendantes et distinguer la perception des sons environnementaux d’origine anthropique et naturelle », concluent les auteurs.